Lise Millette, L’Indice bohémien, Abitibi-Témiscamingue, septembre 2021
Fondatrice du Festival de contes et légendes en Abitibi-Témiscamingue en 2003, Nicole Garceau est une femme de mots, une femme d’images, une femme d’idées. Elle a pris une pause dans un horaire chargé, entre un rendez-vous personnel, les dernières touches à donner la programmation du prochain festival, un appel à un ami, une campagne de promotion à bâtir et sa propre séance photo qui semblait particulièrement l’intimider.
« Moi, les photos… », siffle-t-elle, affirmant qu’elle avait déjà donné sous la lumière des projecteurs. La scène, désormais, elle la regarde d’une certaine distance et n’a plus tant le désir d’y monter. Son plaisir, elle le puise dans la mise en lumière de tous les talents qu’elle a su croiser et faire monter sur les planches en plus de 30 ans de vie théâtrale, mais aussi dans la présentation de conteurs et conteuses de renom, de poètes, d’écrivains et d’artistes qui ont émergé sous ses yeux.
En quelques minutes, Nicole Garceau raconte et fait défiler les noms de personnalités qu’elle a pu, au fil des ans, attirer à Val-d’Or ou Rouyn-Noranda pour des soirées mémorables de récits : Alberto Garcia Sanchez, Jihad Darwich qu’elle a fait venir du Liban pour les nuits du conte. « C’était tout simplement magique », résume-t-elle en souriant, l’œil pétillant, ajoutant aussi les gens de la région qu’elle a toujours tenu à présenter et les artistes autochtones qui ont aussi leur place dans une programmation « métissée serrée ».
Ce festival se veut un carrefour des mots. « Tout ce qui est dans l’oralité! Ça me tient en vie. J’ai cette capacité d’inventer des affaires pour faire différent. »
Sa feuille de route comprend d’ailleurs des expériences des plus diversifiées. Artiste multidisciplinaire, le théâtre a occupé une grande partie de sa vie, mais elle a aussi tourné au cinéma dans Némésis de Marc-André Fortier et dans La donation de Bernard Émond. Au fil des ans, elle a aussi été metteuse en scène, responsable des costumes, professeure de théâtre au sein du Service culturel de Val-d’Or et propriétaire de trois restaurants, dont Le Tube, à Val-d’Or. « En référence au tube digestif, bien sûr », précise-t-elle.
Petit bout de femme sympathique qui parle fort, Nicole Garceau a su faire son chemin contre les vents contraires. Après avoir assisté à un festival de contes en Estrie, elle ramène dans ses bagages l’idée de lancer un même événement dans la région. Le printemps suivant, c’était réglé! Après un accident de voiture et coincée dans un fauteuil roulant, elle a néanmoins réussi à tirer toutes les ficelles pour mettre l’événement en place. « Je tiens à mon pays, l’Abitibi, et je voulais monter le projet. » Et devra être bien aguerri celui qui lui dira que c’est impossible de le faire.
À 73 ans, même si certains s’étonnent de la voir toujours à la barre, toujours en coulisses ou au fond de la salle à rigoler, Nicole Garceau n’a rien perdu de son éclat et de sa vigueur. « Ma voix forte, c’est ma voix de théâtre », se défend-elle, encore fin prête à relever de nouveaux défis, y compris celui d’avoir à trouver des lieux de diffusion qui sauront répondre aux critères pandémiques.
Autre défi de taille qui se pointe : celui de la relève. « Je suis vraiment fière de ce que nous avons réussi à créer. Au moment de fonder le festival, nous étions onze, nous sommes maintenant cinq, mais il y a une belle relève de créateurs et de créatrices », assure-t-elle. Elle espère néanmoins que d’autres personnes se joindront au noyau des organisateurs, mais plus encore, que la perception du conte évolue. « Je souhaite qu’il y ait de plus en plus de personnes de la région qui prennent part au festival, que les gens ne pensent pas qu’un conteur est une personne qui se tient dans une chaise berçante. C’est un art vivant, c’est l’oralité qui se célèbre. »