Connaissez-vous Jobarts ?

Stéphane Baudelot, Le Quête, Québec, septembre 2021

J’ai toujours été curieux de connaître qui se « cachait » derrière Jobarts. Cet artiste parsème ses œuvres dans le quartier St-Roch et plusieurs, comme moi, ont le bonheur de les trouver. Je lui ai demandé une rencontre et il a accepté. Voici un résumé de ce qu’il m’a raconté.

« Je suis artiste depuis la naissance. J’ai fait toutes sortes d’affaires, les beaux-arts, plusieurs jobs, la rue du Trésor, antiquaire, etc. Je n’ai pas de démarche artistique, mais je suis un artiste professionnel qui gagne sa vie comme ça et pas autrement. J’ai fait carrière sous un autre nom et j’ai réussi.

Jobarts c’est autre chose. J’ai pris mes distances avec certaines considérations matérielles que j’ai troquées pour des raisons spirituelles. J’en suis venu à changer ma pratique. À cette époque, j’avais une fascination pour l’art de rue, la grande liberté des tagueurs m’interpellait, mais ce n’était pas pour moi. Comme, je souhaitais en finir avec les normes établies par le commerce de l’art et me libérer de ce carcan, j’ai décidé de désobéir. J’ai dit à ma blonde :  » C…, m’a les donner  ». C’est de même que ça a commencé. Derrières les premiers Jobarts, j’écrivais Désobéir.

Pis, on a décidé de les laisser en Basse-Ville, parce que c’est notre quartier, c’est notre vie. On connaît le monde du quartier, on les aime. Pour moi, la vie c’est sur Saint-Joseph que ça se passe. Ça fait 6 ou 7 ans qu’on existe, et on en a donné quelques 7000 jusqu’à présent.

Cette année, c’est une grosse année pour nous. J’ai 72 ans, ma blonde en a 74. Même si on souhaite rester longtemps, on est plus très jeunes. Donc, on a décidé d’augmenter la production. Jobarts c’est deux personnes ; le s dans Jobarts, c’est ma blonde. Nous ne sommes pas intéressé.e s par les mondanités, mais nous apprécions être reconnu.e s sur la rue, ça nous fait le plus grand bien. Il n’y a pas une «piastre» qui peut concurrencer ça. Il n’y a rien de mieux que ça. 

S’il y a quelque chose à rester de Jobarts, ça restera. Peu importe, l’histoire retient bien ce qu’elle veut retenir. L’histoire a tendance à s’adresser à l’élite. Mais il y a une autre histoire. Peut-être que je resterai dans la mémoire du peuple ? Dans l’immédiat, je retire une grande satisfaction. Je ne sais pas où Jobarts ira. Je ne souhaite pas pousser Jobarts, pis retomber dans le même panneau qu’auparavant. La planète, sur le chemin qu’elle est engagée avec ses gouvernements, l’élite pis l’ast… de bacon je doute que personne ne laisse quelque chose à retenir.  

On m’a déjà demandé pourquoi mes personnages crient tout le temps et qu’ils ont des faces comme ça. J’ai répondu si vous souhaitez avoir un jardin de tournesol, il y a plein de monde qui fait ça, mais pas moi. Ils crient parce que la situation est criante. Je suis en colère constamment, mais qu’avec l’âge je suis également devenu lucide. Les adeptes du consumérisme à outrance veulent nous faire croire qu’on est déconnecté de pas embarquer dans leur vision, moi je pense que c’est eux qui sont déconnectés. »