Rivière-du-Loup : des espaces verts à protéger

Jean-Francois Vallée, Le Mouton NOIR, Rimouski, le 6 août 2021

Dans les années 90, des promoteurs de Rivière-du-Loup ont pu raser la plus grande partie des arbres au sommet comme au bas du cap rocheux qui traverse la ville d’est en ouest pour faire place nette et permettre le développement d’immeubles à revenus, de tours à condos, d’hôtels ou de commerces. Derrière l’hôtel Lévesque et la place Saint-Denis par exemple, il ne reste de la falaise que… sa roche, et quelques chicots poussant à flanc de cap.

La rue Gamelin, au nord du parc du Campus-et-de-la-Cité, est un autre exemple particulièrement frappant : on a déboisé les alentours pour permettre à tous les locataires des grands immeubles de jouir d’une vue imprenable sur le fleuve.

Dommage, puisque ce faisant, on a réduit à néant le rôle millénaire des brise-vent. Et que la faune a besoin, tout comme nous, de corridors de passages pour se déplacer librement.

Soyons honnêtes : en contrebas, un court segment de boisé a survécu à la coupe, soit les abords du superbe bout de sentier aménagé d’est en ouest entre la rue Joly et la rue des Ormes, au nord du Centre d’hébergement Saint-Joseph et longeant le cap rocheux. Les élus d’alors ne sont malheureusement pas parvenus à s’assurer que ce sentier soit prolongé dans les deux sens le long de cette splendide faille naturelle.

Du côté du parc du Campus-et-de-la-Cité, dont on peut saluer le caractère majestueux, il faut garder en tête que la pelouse et les œuvres d’art très tendance en plastique et en inox ne constituent pas, pour la faune terrestre et les oiseaux, un lieu très accueillant. Une fois à maturité, les arbres embelliront le lieu, mais on aurait aussi pu en reboiser une petite partie en forêt mixte et y aménager un sentier naturel. Ce n’était pas l’espace qui manquait, pourtant!

Empruntons un autre point de vue : quand on pénètre dans Rivière-du-Loup par le haut de la côte Saint-Pierre, le panorama est splendide. À perte de vue, le fleuve s’étale et, devant nous, les montagnes de Charlevoix nous contemplent. Je parle bien de « panorama », parce que côté paysage à proximité, tout au bas de la pente, c’est une autre histoire. Quand on y regarde de plus près, la discontinuité de la forêt indigène est frappante, alors qu’elle croissait jadis sur l’étroite bande qui s’étendait d’est en ouest, coincée entre la rue Fraser et le boulevard de l’Hôtel de Ville, il n’en survit que les traits d’un pointillé.

LA NOTION DE « PARC » À RIVIÈRE-DU-LOUP

La Ville de Rivière-du-Loup a rendu disponible une liste1 de sa vingtaine de parcs et d’espaces verts. Or, seul trois d’entre eux, le parc de la Pointe, le parc des Chutes et le parc du Ruisseau, abritent des forêts urbaines où il fait bon se promener. Les autres sont davantage des espaces gazonnés que des parcs, parsemés de rares arbres dont les branches sont coupées à 15 pieds du sol, comme des pieds de brocolis. Ils servent de lieu d’accueil à des patinoires, des jeux d’eau, et autres terrains de soccer. Qui sont fort utiles, là n’est pas la question.

Tout dépend de ce qu’on entend par « parc », qui peut vouloir dire « terrain où l’on trouve de la verdure et qui est destiné à la détente » ou « vaste terrain comportant de nombreuses installations servant à l’amusement, à la détente ou à l’éducation ». Bref, la verdure d’un parc est optionnelle, et n’est pas non plus synonyme de forêt ou de petit boisé.

Il reste heureusement le parc du Ruisseau, soit une partie de la pointe boisée au sud-ouest des concessionnaires automobiles, coincée au point de jonction entre l’autoroute 20 et l’autoroute Claude-Béchard. Quand la ville réalisera son ambitieux projet de nouvelle entrée ouest2, entre la petite rue Fraser et l’Hôtel Universel, et que le périmètre d’urbanisation se sera étendu au sud-ouest, dans le prolongement des rues des Jonquilles et des Pivoines, le parc du Ruisseau, désormais enclavé, sera le dernier sanctuaire naturel majeur dans la partie ouest de la ville.

La rareté confère de la valeur : il importera alors de préserver cet espace.

PROTÉGER LES FORÊTS URBAINES

Il faut protéger à tout prix les derniers segments de caps rocheux et les forêts urbaines pour nos enfants. Aux citoyens de monter la garde et d’assister aux séances du conseil pour que ces témoins du passé géologique et naturel soient préservés pour les générations futures. Il faut s’assurer de défendre ces crêtes rocheuses comme autant de remparts, véritable ligne de front contre les vents violents de notre fleuve si capricieux.

La Ville projette aussi l’adoption d’une « politique de l’arbre » pour réduire l’impact des îlots de chaleur engendrés notamment par les immenses stationnements des grands commerces. Il faudra l’appuyer sans réserve.

Comme le papier de toilette au temps du coronavirus, les espaces non altérés par l’humain sont appelés à prendre de plus en plus de valeur à mesure qu’ils sont menacés de disparaître aux mains de développeurs toujours en quête de profits à court terme. Pour Rivière-du-Loup, ces altérations à sa signature paysagère sont irréversibles.

Demandons-nous si la vue sur le fleuve de quelques propriétaires privés justifie de dénaturer les plus beaux secteurs de la ville.

Surtout, pour la suite du monde, cessons dès maintenant de collectiviser les pertes de jouissance du paysage et d’en individualiser les profits.

1. « Parcs et espaces verts », ville de Rivière-du-Loup, 2021, villerdl.ca/fr/carte-interactive/activites/parcs-et-espaces-verts

2. « Projet spécial — Entrée ouest », ville de Rivière-du-Loup, 2018, villerdl.ca/fr/services/services-aux-citoyens/urbanisme