La famille Gaudet-Bourgault dans le décor qui fait face à sa maison de Tourelle. 1re rangée : Marius. 2e rangée : Patrick, Mélanie et Camille. Photo : Mélanie Gaudet

L’ingénieure Mélanie Gaudet : en harmonie avec la nature de la Haute-Gaspésie

Johanne Fournier, Graffici, Gaspésie, juin 2021

 

Depuis septembre, GRAFFICI vous présente des scientifiques qui, tant en sciences naturelles qu’en sciences humaines, contribuent à l’avancement des connaissances en direct de la péninsule. Grâce à leur expertise et à leurs connaissances pointues dans leur domaine de prédilection, ils démontrent qu’il est fort possible de faire rimer les mots « Gaspésie » et « science ». Cette fois, nous vous présentons une ingénieure au parcours plutôt atypique, mais non moins intéressant. Arrivant tout droit du Témiscamingue, Mélanie Gaudet est débarquée en Haute-Gaspésie en pleine pandémie au printemps 2020. Depuis le 4 janvier, elle est chargée de projets pour l’entreprise BioTEPP de Cap-Chat, où elle est responsable des procédés. Vivant à Sainte-Anne-des-Monts, dans le secteur Tourelle, la mère de trois enfants a suivi son conjoint qui est lui aussi ingénieur.

CAP-CHAT | BioTEPP, dont l’usine de production est à Cap-Chat et dont le siège social est à Lévis, produit un pesticide biologique contre le carpocapse de la pomme, ce papillon dont les larves font un trou dans le fruit et y mangent l’intérieur. « Notre produit est aspergé dans les vergers pour que ceux-ci obtiennent de belles et bonnes pommes », explique Mélanie Gaudet. Les vergers du Canada et des États-Unis constituent le principal marché de l’entreprise de biopesticide. BioTEPP est en attente de son homologation pour pouvoir aussi exporter en Argentine. « C’est un marché intéressant puisque leur été est notre hiver », estime la chargée de projets. Que vient apporter l’ingénieure de 40 ans à l’entreprise qui compte une dizaine d’employés, en plus de deux scientifiques? « À part mon sourire, j’apporte un cadre scientifique, répond-elle en riant. Mon rôle est de faire la mise en place de procédés, de compiler les données, d’assurer le contrôle de la qualité en vue d’augmenter le rendement et de gérer les inventaires. Je quantifie ce qu’il y a à quantifier et je calcule ce qu’il y a à calculer. »

Depuis son arrivée, la scientifique a élaboré un système visant à rassembler tous les résultats. « J’adore ça. Je mène un projet à terme et il y en a un autre qui commence. C’est varié. Je me découvre une certaine polyvalence, notamment dans la gestion et la planification. » Mme Gaudet tient à préciser que « le cerveau derrière BioTEPP, c’est le docteur Harnaivo Rasamimanana », qui est le directeur de la recherche, du développement et de la production.

 

Premier emploi de scientifique

Pour Mélanie Gaudet, il s’agit d’un premier emploi à titre de scientifique. « J’apprends plein de choses et je touche à tout! Mais, je suis un peu insécure. La biotechnologie, c’est quelque chose qu’il va falloir que j’apprenne. » Si elle n’a jamais travaillé comme ingénieure, c’est parce qu’elle était technicienne de laboratoire pour la firme papetière Rayonier de Témiscaming depuis 20 ans. « Après mon secondaire, j’ai fait un DEC [diplôme d’études collégiales] en génie chimique au Collège Boréal de Sudbury, en Ontario. Après, j’ai obtenu cet emploi à l’usine qui appartenait, à l’époque, à Tembec. Puis, je n’avais jamais arrêté depuis 2001. »

À l’automne 2007, elle s’est inscrite à l’École Polytechnique de Montréal en génie chimique où, pendant deux ans, elle a complété cinq sessions, en plus d’une autre de mise à niveau. Mais, c’était trop difficile d’être si loin de ses deux filles qui étaient très jeunes à l’époque. « J’ai plié bagage. Mais, c’était un projet que je chérissais, d’obtenir mon bac. Alors, j’ai pris les moyens pour le continuer plus près, cette fois, soit à 250 km de distance, plutôt qu’à 600 km. »

À l’âge de 30 ans, la femme originaire de Témiscaming s’est donc inscrite au baccalauréat en génie mécanique à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, qu’elle a terminé en avril 2017. « C’était important, pour moi, de montrer l’exemple à mes filles qu’il faut aller au bout de nos rêves. Avec de la persévérance, tout est possible. Il faut juste trouver les moyens ! » Puis, comble de bonheur, elle a rencontré son amoureux sur les bancs d’école. Depuis 2010, elle partage sa vie avec Patrick Bourgault, ingénieur en électromécanique. Maintenant, Mélanie Gaudet envisage de poursuivre des études en gestion à l’Université du Québec à Rimouski, probablement en septembre.

 

Déménagement en Haute-Gaspésie

Après avoir postulé un peu partout, Patrick Bourgault a été embauché en octobre 2019 pour Inox Signature, une entreprise de Tourelle. Au printemps de l’an dernier, Mélanie Gaudet a quitté son emploi chez Rayonier pour venir retrouver son conjoint. Après avoir acheté « une petite maison bleue » qui donne sur la mer, elle est arrivée à Tourelle en mai 2020, où elle a décidé de prendre un moment d’arrêt pour passer du temps avec son fils de six ans, Marius.

« Par l’entremise de l’emploi de mon conjoint, BioTEPP a su qu’une bachelière en ingénierie arriverait en Haute-Gaspésie, puisque je venais rejoindre Patrick, raconte-t-elle. On a eu un premier contact par téléphone, alors que j’étais toujours au Témiscamingue, à l’hiver 2020. On m’a demandé un CV. BioTEPP a consulté mon CV. Puis, quand le moment est venu, ils m’ont convoquée en entrevue en présentiel à l’automne 2020. Je correspondais à leurs critères par mon bac, mais aussi par mon DEC, qui était très intéressant pour BioTEPP. »

 

En amour avec la Gaspésie

Outre le fait que sa cousine Chantale Gaudet soit pharmacienne à Gaspé, Mélanie Gaudet connaissait bien peu de choses de la Gaspésie. « On était venus faire le tour de la Gaspésie en août 2016, relate-t-elle. On a visité et regardé pour la première fois. On s’est attardés à la Haute-Gaspésie parce que j’aime les montagnes et mon conjoint aime la mer. Aujourd’hui, on a une maison en face de la mer et on a les plus beaux couchers de soleil! On voit et on entend des baleines. On voit de petits rorquals et des dauphins. Mon conjoint a même vu un requin! »

L’automne dernier, le couple d’ingénieurs a gravi le mont Albert et projette de se rendre au sommet du mont Jacques-Cartier. Les montagnes du parc national de la Gaspésie lui rappellent les paysages d’Irlande et d’Écosse, deux contrées qu’elle a visitées et pour lesquelles sa fascination ne s’est jamais estompée. « Il y a plein de sentiers pour faire de la randonnée pédestre. J’ai la liste des monts et je veux tous les faire! » Elle affectionne particulièrement les hivers de la péninsule. « J’aime la raquette et il y a plein de sentiers. » D’ailleurs, elle se promet de participer un jour à la Traversée de la Gaspésie à raquette.

 

La mer, le vent, le poisson, la culture…

Mélanie Gaudet aime faire du kayak de mer. « Je me suis découvert une passion : photographier les phoques. » Chaque fin de semaine, une randonnée sur le bord de la mer fait maintenant partie de ses habitudes. Aussi, la famille Gaudet-Bourgault aime bien pêcher le maquereau au bout du quai de Sainte-Anne-des-Monts. Si son conjoint est moins friand de poisson, surtout si le goût est prononcé, Mélanie Gaudet adore.

La famille s’adapte aux traditions gaspésiennes. « On a mangé du homard à la fête des Mères », précise la maman de Maude, 20 ans, de Camille, 19 ans et de Marius, 6 ans. Par ailleurs, Mme Gaudet est tout aussi impressionnée par « la gastronomie très développée de la Haute-Gaspésie » que par le nombre d’artisans qui y travaillent le bois, la poterie et d’autres métiers d’art. « On apprend à les découvrir! » Pour la Néo-Gaspésienne, il est important d’encourager l’achat local. « Même si c’est plus cher, on va au poste d’essence et à l’épicerie les plus proches de la maison. On ne consomme que le café Mont Café, de la brûlerie de Cap-au- Renard. On l’apporte même dans nos familles et chez nos amis pour en avoir quand on y va! »

Mélanie Gaudet s’adapte facilement à la culture des habitants de sa terre d’adoption. « Je trouve les Gaspésiens gentils. Chaque week-end, on découvre un nouveau village. Les gens sont hyper sympathiques. Après la COVID, on veut aussi aller visiter le Nouveau-Brunswick. »

Le climat de la Haute-Gaspésie, est-ce qu’on s’y adapte aussi bien? « J’aime la température ici, s’empresse de répondre Mme Gaudet. J’adore le vent! On est allés dans la Baie-des-Chaleurs et on a trouvé ça trop chaud. On préfère La Haute-Gaspésie. » La famille Gaudet-Bourgault adore l’air salin. « Maintenant, on dit que ça sent chez nous, souligne Mélanie. Lorsqu’on revient de l’Abitibi-Témiscamingue et qu’on sent la mer, on sait qu’on approche de chez nous ! »