Micaela, Vincent et leurs cinq enfants. Photo : Nathalia Guerrero

Deux pays, mais un seul cheval de bataille : la justice sociale

Nathalia Guerrero, Le Saint-Armand, Armandie, avril-mai 2021

Micaela Robitaille est à la fois québécoise et péruvienne de souche. Résultat de l’amour entre une Péruvienne et un Québécois, elle a grandi au Québec, mais est née au Pérou, dans la pittoresque ville de Pisco, ville éponyme du pisco, une eau-de-vie de vin bien connue dans le monde.

Gilles, son père, est géographe de profession. À l’époque où il était à l’emploi de Parcs Canada et œuvrait dans le domaine du développement touristique, il s’est rendu au Pérou, pays qu’il a aimé d’emblée pour ses couleurs et ses traditions anciennes, et où il a finalement passé de longues années. C’est ainsi qu’il a rencontré Elsa, celle qui deviendrait sa conjointe et la mère de ses enfants.

Micaela a passé presque toute sa vie à voyager entre ses deux pays de cœur, habitant tantôt au Québec, tantôt au Pérou, et elle considère l’espagnol et le français comme ses deux langues maternelles. Si elle a finalement fait le choix de s’installer définitivement dans notre région, elle vit, comme tout immigrant, avec cette nostalgie des saveurs et des odeurs lointaines de son Piruw natal, comme on appelle ce pays dans la langue quechua.

En 1989, sa mère tombe malade. Toute la famille vient s’installer au Québec afin qu’elle puisse subir les traitements dont elle a besoin. C’est la première fois que Micaela habite son deuxième pays d’origine et y fréquente l’école. Très rapidement, elle apprend le français, avec la facilité qu’ont les enfants à apprendre les langues. Sachant que ses racines se trouvent également ici, elle n’a pas de mal à s’intégrer. Par contre, Elsa a beaucoup de difficulté à s’adapter, si bien que la famille retourne au Pérou afin de lui offrir au moins la paix de l’esprit. Elle décèdera en 1992, alors que Micaela n’a que huit ans. Gilles décide de revenir au Québec avec ses deux enfants. Malheureusement, il a beaucoup de mal à trouver un emploi. « Malgré le fait que mon père était d’ici et qu’il avait un diplôme universitaire, il avait déjà cinquante ans et il n’a pas pu trouver un emploi dans son domaine. C’est ainsi que nous sommes retournés à nouveau au Pérou », confie Micaela.

De retour dans son pays natal, la jeune fille y terminera ses études secondaires et s’installera à Lima pour poursuivre des études universitaires en anthropologie. « Ces années ont été magnifiques ! Elles m’ont permis de connaitre d’avantage le pays où je suis née. Ce que j’aime le plus du Pérou c’est que les gens jouissent pleinement de la vie et qu’il y a là-bas une volonté de justice sociale, de changer les choses », précise-t-elle.

À vingt-quatre ans, elle accouche d’une petite fille qu’elle appelle Elysa Quetzal. Elle décide alors de retourner au Québec et de s’y installer pour de bon. À Sherbrooke, elle travaille d’abord pour Moisson Estrie, pour ensuite se faire embaucher comme intervenante sociale chez Élixir, un organisme qui œuvre dans la prévention des dépendances chez les femmes.

« J’ai vécu des moments difficiles, premièrement avec mon père quand il n’avait pas d’emploi et, ensuite, quand je suis revenue au Québec avec ma fille. À un moment donné, j’ai dû faire appel à l’aide sociale, ce qui me permet aujourd’hui de comprendre ce que les personnes vulnérables vivent. Sortir de la pauvreté et de l’aide sociale est loin d’être une chose facile. L’anxiété nous rend malade et se sentir rejeté ne nous aide pas non plus », explique-t-elle.

Depuis 2018, elle agit comme coordonnatrice chez Action Plus, un organisme communautaire qui aide les personnes et les groupes de citoyennes à défendre leurs droits. « C’est vrai que chacun de nous a le potentiel de s’en sortir dans la vie, mais nous n’avons pas tous les mêmes outils ni les mêmes possibilités ; nous avons besoin de volonté politique pour pouvoir changer les choses », rappelle-t-elle.

« À travers tous ces allers-retours, j’ai eu le sentiment d’être une immigrante dans les deux pays ; ces deux terres font partie de moi et, souvent, je me sens comme coupée en deux », confie celle qui entretient des liens très étroits avec sa famille péruvienne.

Elle se dit toutefois heureuse ici en compagnie de Vincent, son conjoint québécois, les six enfants de leur famille recomposée ainsi que leurs poules et leurs dindes… « J’ai appris à aimer le Québec en étant à Farnham. C’est un grand défi de former une famille recomposée et nombreuse ; pour moi c’est l’une des plus grandes et des plus belles réussites de ma vie ! » conclue cette femme à la fois du nord et du sud qui se bat pour ceux et celles qui ont le plus besoin d’espoir.