Nathalia Guerrero Vélez, Le Saint-Armand, Armandie, février-mars 2021
Chaque matin, du lundi au vendredi, un brigadier souriant aide les enfants à traverser la route afin qu’ils puissent se rendre à l’école de Dunham. C’est Richard Werner. Il est si populaire et salue les passants avec une telle aisance qu’on croirait que c’est un Dunhamien de souche. Mais en fait, il vient d’une ville lointaine, Curitiba, au Brésil, et est arrivé ici il y a peu de temps. Grâce à son sourire tropical immense et contagieux, cet homme qui agit à la fois comme pompier et brigadier ajoute une note de bossa-nova au quotidien de cette petite municipalité rurale.
Depuis son enfance dans son Brésil natal, il rêvait de devenir pompier. Les courants capricieux de la vie ont fait en sorte qu’il est devenu professeur et, plus tard, chef cuisinier. Pendant sa jeunesse, il avait eu la chance de visiter le Québec avec ses parents. Ils étaient passé en voiture par Frelighsburg et Dunham. C’était en 1987 et il était tombé en amour avec cette région pleine de petits villages, ruisseaux et maisons colorées.
Le centre de Jeunesse en Mission à Dunham
Un jour, il décide, avec sa conjointe, Fernanda Paz, de rêver en grand et de s’installer au Québec avec les enfants. Ce rêve est devenu une résolution et l’engagement, l’effort d’une vie. Ils se sont préparés pendant plusieurs années dans le but de présenter une demande de visa de travail et de ramasser assez d’argent pour un éventuel déménagement.
En 2002 et 2003, Richard travaillait à Sarajevo, en Bosnie, aux côtés de Jeunesse en Mission, une institution chrétienne. Or, celle-ci avait besoin de quelqu’un pour s’occuper de la cuisine du centre qu’elle possède à Dunham, lequel centre nourrit les travailleurs et étudiants qui y séjournent. « J’ai immédiatement su que ce serait notre prochaine étape », confie-t-il.
C’est ainsi que, en mai 2015, le couple débarque à Dunham avec ses deux filles, Elisa Paz et Isabelle Rose. Pendant deux ans, Richard et Fernanda travaillent comme bénévoles à Jeunesse en Mission. Lui est à la cuisine, elle, à l’accueil et au ménage. « Dès les premiers jours, on s’est sentis comme chez nous » confie celle qui, à Curitiba, était maquilleuse professionnelle. « Nous aimons la vie ici, les petits villages et la sécurité », ajoute-t-elle.
Le temps passe et les économies s’envolent. Au moment où leur permis de travailleurs temporaires est sur le point de prendre fin, ils trouvent un autre travail bénévole à Villa de Brôme, un camp trois étoiles situé à proximité de Lac-Brome. « On a vécu des choses tellement difficiles depuis notre arrivée, confie Fernanda. C’est le processus de la vie. Mais ensemble, nous sommes forts. »
Entre-temps, en 2017, Daniel, leur troisième enfant, naît à l’hôpital Brome-Missisquoi Perkins. Pour gagner un peu d’argent, Fernanda a déjà vendu des milliers de brownies maison dans son entourage ; elle a aussi préparé des repas pour des connaissances et a vendu des centaines de tuques et foulards faits à la main.
Quant au français, les deux se débrouillent très bien et leurs enfants le parlent comme des Québécois. Fernanda l’a appris au travail tandis que Richard a commencé un processus de francisation que la pandémie a momentanément interrompu. « Notre but c’est d’apprendre le français pour honorer le Québec, explique Fernanda ; nous savons que le français est très important pour les Québécois et, de notre côté, nous considérons qu’il est important d’honorer le pays qui nous accueille. »
En 2019, après avoir passé deux ans à Lac-Brome, le couple décide de retourner à Dunham afin de permettre aux filles de retrouver leurs camarades de classe dont elles s’ennuient beaucoup. C’est alors que Richard rencontre Michel Moreau, le directeur de l’école de la Clé-des-Champs, qui est aussi officier à la caserne de pompiers de Dunham. « Avec son aide, mon grand rêve d’enfant de devenir pompier est en train de se réaliser », confie Richard en souriant.
Depuis septembre dernier, il travaille à temps plein à la caserne de Dunham. « Je suis également très heureux d’être le brigadier des enfants de l’école », ajoute-t-il. En février prochain, il entreprendra le dernier cours d’une durée d’un an et demi qui le qualifiera comme pompier. « Rien ne nous rend plus heureux que de faire partie de notre communauté et de pouvoir contribuer, par notre travail, à la remercier de nous avoir si bien accueillis ! » s’exclame-t-il. Pour sa part, Fernanda est retournée travailler comme bénévole à Jeunesse en Mission.
Cette belle famille brésilienne espère pouvoir obtenir la résidence permanente et s’établir pour de bon parmi nous. Nous le souhaitons de tout cœur, sachant que les jumelages culturels font grandir l’esprit humain et que le doux mélange de la caïpirinha* et des saveurs locales constitue un cocktail prometteur.