Lise Millette, L’Indice bohémien, Abitibi-Témiscamingue, décembre 2020
Chaque semaine, Christel Bergeron conduit l’autobus du circuit numéro deux pour le Centre de services scolaire de la Baie-James et Lac-Abitibi. Son masque de tissu, derrière son volant, cèdera sa place au masque à souder une fois revenue chez elle, dans son atelier nommé Les feux du paradis. Cet âtre de création a vu naître des œuvres, certaines plus grandes que nature, qui occupent désormais des places de choix dans le paysage régional.
Dans son petit refuge de Val-Paradis, loin des foules, Christel Bergeron ne cherche pas la popularité à tout prix. Elle sait jouer avec les torches et les flammes, mais si une source de chaleur la rebute, c’est bien celle des feux des projecteurs. « Longtemps, ce que je voulais, c’était exposer. Quand c’est arrivé, j’ai été frappée par le côté très public de tout ça. On rencontre énormément de gens, on devient le centre d’attention. Je suis quelqu’un de très sociable, mais tout cet intérêt m’a un peu déstabilisée. J’ai compris que ce que je voulais ce n’était pas d’être vue, moi, mais que mes œuvres soient vues », nuance Christel Bergeron.
Trois coureurs métalliques, surmontés sur une sphère d’acier, trônent désormais à Sainte-Germaine-Boulé. La sculpture signée Christel Bergeron a été installée en juillet 2020, et inaugurée officiellement en octobre, dans un sobre bain de foule pandémique. « Je sens que je laisse une touche de moi dans mon petit coin de pays », confie-t-elle.
Le travail de Christel Bergeron a toutefois dépassé les frontières régionales. Précédemment, deux de ses pièces emblématiques, La Gardienne et Incantation (en page couverture), ont aussi été exposées à l’extérieur de la région, la première à la Galerie Linart de Cantley et la seconde, à l’espace Pierre-Debain de Gatineau. Ces grandes dames de fer sont pour elle une grande source de satisfaction et de fierté. « De rendre quelque chose d’aussi gros, ça me donne un « oumph ». Partir de rien et aboutir là comme résultat, c’est quelque chose qui me donne le goût de continuer », résume-t-elle.
LE CHEMIN DE LA RECONNAISSANCE
L’ascension rapide vers la notoriété fait en sorte que les demandes fusent d’un peu partout. « Oh oui, j’ai des demandes, certaines extérieures de la région, mais je choisis aussi ce que j’accepte et ce que je m’engage à faire. »
Christel Bergeron n’a pas l’intention de quitter son milieu ni son mode de vie ni son oasis. « Je souhaite que mon travail demeure avant tout artisanal. Je ne veux pas que ça devienne trop gros », assure-t-elle tout en précisant qu’elle est reconnaissante de la visibilité dont elle a pu bénéficier jusqu’ici.
Il faut dire que le chemin parcouru est considérable depuis la sortie de son cours en soudure en 2011 au Centre de formation professionnelle de La Sarre. « Chaque fois que je vois une de mes œuvres quelque part, je me dis que j’ai réussi, mais je ne me fixe pas d’objectifs. Je demeure très terre à terre. »
LE PRIX DES MÉTAUX : UN FREIN CRÉATIF
Les demandes, les appels de proposition, l’inspiration : rien ne manque. Une dure réalité freine toutefois les élans de l’artiste-soudeuse. La pandémie de COVID-19 a eu un impact direct sur le prix des métaux. Le prix de sa matière de base, le métal, a connu une hausse marquée. « Les prix des matériaux ont explosé. C’est un peu ce qui me limite en ce moment dans mes projets. Le prix du fer, du fil à souder, du gaz : tout a augmenté. Je ne peux pas refiler ces coûts-là et doubler mes prix », explique-t-elle.
En attendant un retour, sinon à la normalité, du moins à une meilleure accessibilité, Christel Bergeron poursuit sa routine, mais parions que les crayons, les papiers, les croquis et peut-être aussi quelques moulures de plâtres pour de futurs projets continueront d’émerger et de se multiplier.