Illustration : Marc Boutin

Oui au tramway…Pour combattre le fléau automobile

François Provençal Doyle, Droit de parole, Québec, septembre-octobre 2020

On entend souvent dire que le projet de tramway coûte trop cher. Il y a du vrai dans cette affirmation mais tout dépend  par  quel  angle  on  l’aborde.  Par  exemple,  son  tracé  va  beaucoup  trop  loin  du  côté  ouest.  Se  rendre  à  quinze  kilomètres  du  centre-ville  pour  rejoindre  le  magasin IKÉA, c’est un extension dispendieuse qui ne fera que consolider l’étalement en banlieue éloignée et augmenter le prix du matériel roulant. Autre égarement dans  le  projet  :  percer  un  tunnel  dans  le  roc  sous  les  résidences du quartier Saint-Jean-Baptiste. Cette trouée va inutilement ajouter des millions au coût du projet, un excédent trop lourd mais facile à éliminer par un détour via un tunnel déjà creusé sous l’avenue Honoré-Mercier.

Il faut faire un distinction entre, d’une part, les décisions extravagantes de la Ville concernant le tracé et, d’autre part, la pertinence du projet lui-même pour améliorer la  mobilité  dans  l’agglomération.  Le  premier  atout  du  tramway  pour  dynamiser  l’espace  public  de  Québec,  c’est de redonner à l’être humain la place que l’automobile lui a ravit.

 

Québec, la ville de la soumission à l’auto

La  dépendance  et  l’accoutumance  à  l’automobile  ont  atteint à Québec un haut niveau de morbidité. Rien ne coûte plus cher à la société que l’étalement urbain qui, au départ, fut un asservissement de la forme urbaine à l’automobile.  L’histoire  récente  de  l’agglomération  est  beaucoup celle des milliers de citoyens qui ont quitté le centre-ville pour des banlieues à l’époque inoccupées ou agricoles. Les taxes municipales y étaient moins chères mais l’ensemble des contribuables (y compris ceux qui n’avaient pas d’auto) ont dû, pour ces nouveaux banlieusards, assumer le coût d’infrastructures majeures : autoroutes,  ponts,  réseaux  électrique,  écoles  primaires  et  secondaires, services de santé, transport scolaires, etc. Et au centre-ville, en plus de perdre certains services essentiels à cause de l’exil résidentiel, il a fallu construire pour ces exilés des stationnements asphaltés à n’en plus finir, endurer le déluge automobile aux heures de pointe et une pollution autant atmosphérique que sonore (les klaxons à signaux continus automatiques, ça rend fou).

Le matin, s’il entre au centre-ville vingt mille automobiles,  il  entre  en  même  temps  soixante-quinze  mille  bancs  vides  qui  participent  tout  aussi  activement  à  la  congestion routière et à la montée des prix à payer pour entretenir,  éclairer,  surveiller,  déneiger  et  renouveler  ces infrastructures routières, aussi tentaculaires que démesurées, qui ne rapportent rien (allez voir le coût du renouvellement des échangeurs Charest/Robert-Bourassa et Charest/Henri IV). On entend dire que le télétravail et de l’exode rural aurait réduit le niveau de la circulation automobile. Pourtant à Québec, la congestion automobile a atteint aujourd’hui son stade pré-pandémique.

 

Le tramway versus le réseau asphalté

Le  tramway  permettra  aux  citoyens  d’avoir  le  choix  entre deux réseaux indépendants plutôt que d’être subordonnés  à  un  seul  comme  c’est  le  cas  actuellement.  Les deux réseaux sont ceux du rail associé au tramway et celui de l’asphalte associé à l’automobile individuelle. L’autobus,  qui  dépend  aussi  du  réseau  asphalté,  n’est  qu’un double de l’automobile et contribue autant qu’elle à  l’étalement.  Québec  est  la  seule  ville  canadienne  de  son  importance  à  n’avoir  aucun  réseau  autonome  de  transport en commun.