Gilles W. Pilon, Le Journal des citoyens, Prévost, juin 2020
Bien oui, c’est possible, comme en témoignent les infolettres émises en mai par la Municipalité de SADL. Et je cite :
L’eau a été longtemps considérée comme une ressource inépuisable. Maintenant que nous savons que ce n’est pas le cas, il est crucial d’effectuer certaines modifications quant à notre utilisation de cette ressource essentielle.
La plus grande problématique à l’heure actuelle est la quantité disponible par rapport à la quantité utilisée, notamment pendant l’été. Il est alors très important de se mettre en mode économie de l’eau potable. Il est vrai que toutes les propriétés possèdent un puits individuel, mais il est aussi vrai que toutes sont sur la même nappe phréatique ou même veine d’eau. Il y a donc une limite à capter l’eau, car souvent, la recharge est plus lente que ce qui est consommé.
Ces paragraphes soulèvent de profondes réflexions
Comment expliquer qu’à Sainte-Anne-des-Lacs, où se trouvent en abondance milieux humides, lacs et forêts, on en soit rendu à inciter les citoyens à économiser l’eau potable ? Depuis le début du siècle, la population de Sainte-Anne-des-Lacs a augmenté de 55 % environ. Alors qu’en 2001, on dénombrait 2500 citoyens dans 1095 habitations, la Municipalité en compte aujourd’hui plus de 3900… et ça va continuer. De plus, les Québécois sont de grands utilisateurs d’eau potable. Notre consommation serait passée de 400 litres par personne par jour en 2000 à 570 en 2015, une augmentation de 42 %.
Ces deux observations – l’accroissement de 55 % des usagers, et la consommation individuelle augmentée de 42 % – pourraient conduire à une demande en eau souterraine excédant la capacité de recharge. Hypothèse vraisemblable à vérifier !
Par ailleurs, pour loger tout ce monde, la Municipalité aurait émis, depuis 20 ans, 625 permis de construction résidentielle, une augmentation de 57 %.
Les conséquences du déboisement
Mais toute construction en milieu forestier amène fatalement un déboisement qui atteint, dans la plupart des cas, de 30 à 40 % de la superficie des lots. L’impact est dévastateur puisque les aires ainsi déboisées, aménagées et construites deviennent imperméables, empêchant la percolation de l’eau vers la nappe phréatique.
L’eau souterraine est un maillon essentiel dans le cycle hydrologique. Lorsque les précipitations tombent à la surface du sol, une certaine partie de l’eau s’infiltre et percole lentement pour atteindre et recharger la nappe phréatique. Le déboisement et l’étanchéisation des sols compromettent ce processus indispensable.
Une combinaison inquiétante
D’une part, l’augmentation de la population accroît la consommation d’eau. D’autre part, l’intensification de la construction a un impact négatif sur la capacité de recharge de la nappe phréatique. On semble se diriger vers une catastrophe.
Et maintenant, que faire pour régler ce problème ?
D’abord, prendre une pause dans la construction résidentielle pour éviter le pire, puis évaluer sans délai la capacité de recharge des eaux souterraines et enfin identifier, le cas échéant, des sources alternatives d’approvisionnement en eau de consommation.
Puisque la Municipalité est en partie responsable du problème, ne devrait-elle pas faire partie de la solution ? Il y a deux ans, le Comité sur la politique environnementale avait recommandé aux élus d’instaurer un moratoire sur la construction. Le Conseil n’avait pas jugé bon d’y donner suite.
Alors que la Municipalité demande aux citoyens d’économiser l’eau et de changer leur comportement, ne serait-il pas normal qu’elle-même en fasse autant ?
La Municipalité n’a-t-elle pas la responsabilité d’assurer les services essentiels, incluant la protection des réserves en eau potable ? Ne doit-elle pas informer les futurs citoyens du risque de pénurie et des consignes de restriction de la consommation d’eau ? C’est une question de sécurité sanitaire. Quel héritage laisserons-nous à nos enfants ?
Est-il trop tard ?
C’est aux élus municipaux d’y voir. Il est minuit moins une.