Des anges-gardiens sans plumes

Vincent Di Candido, Échos Montréal, juin 2020

Après  que  des  milliers  d’infirmières  aient  refusé  de  travailler  dans  les  CHSLD   pour   soigner   les   personnes   âgées  en  détresse,  le  Premier  Ministre  du Québec François Legault n’a pas eu le choix que de lancer  des  messages  quotidiens  pour  implorer  ce  corps  de métier de rentrer au travail et ainsi sauver de nombreuses vies mises en péril.

Or, si l’on doit continuer au demeurant à saluer avec gratitude le courage et le dévouement au front d’une majorité de  ces  guerrières  médicales,  il  n’en  faut  pas  moins  souligner  qu’il  y  a  en  parallèle  une  autre  forme  de  valse  mercantile qui continue, indigne de plusieurs professionnels de la santé. Ce que l’on veut cette fois obtenir ce sont les trois semaines de vacances continues sans égard aux exigences de  cette  année  pandémique  anormale  et  exceptionnelle.  Et sans se soucier de vider au passage des institutions déjà grandement malmenées et dans le besoin.

En effet, bien qu’une entente soit survenue avec le Centre intégré de Santé des Services sociaux de Lanaudière pour les  vacances  avec  tous  leurs  syndicats,  ceux  de  la  Fédération  interprofessionnelle  de  la  Santé  du  Québec  (FIQ )  exige  les  trois  semaines  de  vacances  en  continuité  et  ce,  avant  septembre,  au  lieu  du  plus  que  raisonnable  étalement  jusqu’au  13  octobre  proposé  par  le  Gouvernement  Caquiste,  qui  a  le  devoir  primordial  d’assurer  une  assistance médicale à toutes ces personnes vulnérables.

Le   président   de   cette   centrale   syndicale   Stéphane   Cormier,  trouve  inacceptable  le  prolongement  des  vacances proposé par la CAQ, oubliant que ces mesures sont  absolument  nécessaires  et  que,  on  le  répète,  nous  sommes dans une année de pandémie, une situation exceptionnelle sans aucune comparaison moderne depuis le milieu du siècle passé !

Cette attitude revendicatrice et fermée n’a pas sa place en cette  année  2020.  Qu’un  président  syndical  veuille  améliorer  les  conditions  souvent  stressantes  ou  difficiles  des  membres  de  ce  corps  de  métiers  des  plus  louables,  certes,  cela  peut  tout  à  fait  se  comprendre.  Mais  il  y  a  un  temps  et un lieu pour ça. Et ce n’est certainement en ce moment en négociant littéralement avec la mort à la clé. C’est dommage  car  cela  vient  un  peu  entacher  le  bilan  admirable  d’une  frange  du  personnel  de  santé  méritoire  et  que  l’on  peut avoir tendance à négliger parfois.

D’ailleurs,  il  faut  souligner  que  cette  attitude  syndicale  un  peu  déplorable  semble  majoritairement  symptomatique  du  Québec,  et  que  l’on  ne  retrouve  pas  la  même  arrogance  par  exemple  dans  les  pays  d’Europe,  pourtant plus populeux et durement touchés par la pandémie mondiale de la Covid-19. Au contraire, leurs corps médicaux respectifs participent très fort et avec un dévouement indéfectible non seulement à s’occuper des malades mais aussi à le faire en collaboration les uns des autres et avec  les  différents  gouvernements,  méritant  amplement  la gratitude et les louanges de la population.

Malheureusement,  il  semblerait  qu’au  Québec  on  ait  commencé  à  s’orienter  vers  une  tangente  contraire,  avec  des  anges-gardiens  qui  commencent  peu  à  peu  à  perdre leurs plumes.