Proches aidants bannis des CHSLD: un cas patent dans Ahuntsic-Cartierville

Stéphane Desjardins, Journaldesvoisins.com, Ahuntsic-Cartireville, le 5 mai 2020

Réal Migneault réclame un assouplissement aux règles de confinement, pour que les proches aidants puissent soutenir leurs parents vivant en CHSLD. Et il sait de quoi il parle.

Le 22 avril, Réal Migneault, résidant d’Ahuntsic-Cartierville, reçoit le genre d’appel que tout le monde ayant des proches en CHSLD redoute en temps de pandémie :

« Votre maman est en fin de vie. »

On lui accorde un droit humanitaire d’être à son chevet.

Thérèse Marineau, 85 ans, est atteinte de la Covid-19. Elle est isolée depuis sept jours dans sa chambre du CHSLD Berthiaume-du-Tremblay lorsque M. Migneault arrive à son chevet. Ses symptômes de Covid sont bénins, à peine un degré de fièvre, mais la situation est dramatique : elle ne s’alimente plus, ne s’hydrate pas davantage et présente une importante détresse psychologique.

« C’est bien simple : elle était complètement terrorisée, explique son fils. Elle ne comprenait pas la situation et ne savait pas de quoi elle souffrait. »

Car Mme Marineau est désorientée (elle souffre de problèmes cognitifs) et on l’avait déplacée dans une autre chambre située en zone chaude (où on a regroupé les résidents atteints de la Covid-19). Son fils entreprend de s’en occuper et la visite chaque jour. Il la nourrit, lui brosse les cheveux, chante avec elle et la soutient du mieux qu’il peut, notamment avec sa tablette numérique, qui permet à Mme Marineau de communiquer avec ses proches.

 

Elle remonte la pente

L’effet de ces soins est palpable : elle remonte rapidement la pente. Tellement qu’au bout de six jours, la résidence communique avec M. Migneault pour lui signifier qu’il n’a plus le droit de revenir au chevet de sa mère, puisqu’elle n’est plus en fin de vie!

« Il s’agit d’un diagnostic qu’aucun médecin n’a confirmé, constate-t-il. On m’a simplement signifié les règles édictées par le gouvernement. »

En fait, même si, le 14 avril, Québec a autorisé le retour des proches aidants, cette mesure n’est pas encore appliquée dans la grande région de Montréal, à cause du haut taux d’infection. D’autre part, les CHSLD manquent de personnel pour accompagner les proches aidants au chevet de leurs proches, car ils doivent avoir l’équipement de protection adéquat.

Réal Migneault remet en question ces mesures de confinement et réclame que les proches aidants puissent avoir accès dès maintenant aux résidants des CHSLD. Il en fait même une question de principe médical :

« Nous sommes les mieux placés pour nous occuper de nos proches, dit-il. On connaît leur condition médicale mieux que le personnel, qui est souvent dépêché en catastrophe dans les résidences et qui est débordé. Notre présence leur permet de se concentrer là où ça compte. »

 

Effet clinique indéniable

D’autant plus que, selon M. Migneault, le soutien psychologique renforce les patients atteints de la Covid-19.

« Une détérioration de la condition mentale est un facteur aggravant et rend les patients plus vulnérables. C’est confirmé par les autorités médicales », dit-il.

M. Migneault aimerait que Québec ne se limite pas au statut légal d’aidant naturel (qui est défini par Revenu Québec) : toute personne qui aimerait consacrer quelques heures par jour à prodiguer des soins devrait tout simplement pouvoir accéder à ses proches résidant dans un CHSLD.

« Il y a trop de rigidité dans l’application actuelle des mesures, dit-il. On ne devrait pas avoir le choix, comme société, entre sauver des vies individuelles et la volonté d’aplanir la courbe de la contagion à tout prix, quitte à multiplier les dommages collatéraux. »

De son côté, la direction de la résidence réagit ainsi:

« Nous n’avons d’autre choix que d’appliquer les directives ministérielles, explique Annie Poirier, porte-parole de la résidence Berthiaume-du-Tremblay. Nous n’admettons les visiteurs que pour des fins humanitaires. Bénévoles et proches aidants sont malheureusement exclus jusqu’à nouvel ordre. »