COVID-19 : Une occasion de réfléchir à l’après

Christian Proulx, Au fil de La Boyer, Saint-Charles-de-Bellechasse, mai 2020

Nos  grands  penseurs  économiques  nous promettaient le paradis sur terre grâce à la mondialisation : des fruits et   légumes   exotiques   à   longueur   d’année,  des  biens  de  consommation toujours plus nombreux et moins chers,  des  voyages  partout  sur  la  planète  à  bas  prix  et  sans  restriction  même en beau bateau de croisière.

Mais  voilà.  Le  réveil  est  brutal !  La  circulation  très  rapide  des  virus  n’est  pas  la  seule  conséquence.  Il  y  a  la  délocalisation  de  nos  industries,  la  perte de notre indépendance en capacité  de  fournir  des  services  et  des  produits  essentiels  et  stratégiques,  la  perte  d’emplois,  la  privatisation  et  l’exportation des profits, sans compter la  perte  de  revenus  pour  nos  gouvernements,     aussi     l’augmentation     des   dépenses   en   allocations   de   chômage,   le   sous-financement   de   nos programmes sociaux et de santé, la destruction de l’environnement, etc. Nous   sommes   bien   loin   de   leurs   promesses.

Et après, lorsque cette crise sera derrière nous, retournerons-nous rapidement à toutes nos bonnes vieilles habitudes ? Probablement ! Les minières continueront   à   exploiter   nos   ressources,  exporter  les  profits  et  nous  laisser  la  facture  de  dépollution  des  sites abandonnés, tout comme le font les pétrolières lorsqu’elles ferment un poste d’essence contaminé.

Mais  nous  alors,  que  pouvons-nous  faire ?  Peut-être,  arrêter  d’acheter  un  prix plutôt qu’un produit. Commencer par  encourager  nos  producteurs  de  biens et services locaux, régionaux et québécois. Nos commerces et industries  viennent  de  vivre  l’expérience  la  plus  difficile  des  90  dernières  années.  En  contrepartie,  de  nouvelles  opportunités de diversification se manifestent.  Certains  entrepreneurs  ont  profité de la pandémie pour convertir ou  diversifier  la  fabrication  de  leurs  produits,  plusieurs  commerces  sont  passés  à  la  vente  en  ligne  et  à  la  livraison  à  domicile.  Voilà  qui  est  excellent, mais ils ont besoin de clients. Pourquoi  ne  pas  décider  de  faire  affaire  avec  eux,  plutôt  qu’avec  tous  ces « Amazone » du monde entier qui vendent des produits faisant marcher les économies d’ailleurs ?

Bien   sûr,   nos   gouvernements   ont   un   rôle   important   à   jouer.   Avec   cette  crise,  ils  ont  pris  pleinement  conscience de la gravité de la situation.  Ils  devront  prendre  les  mesures  nécessaires   pour   encourager   nos   producteurs  de  biens  et  services  en  commençant  par  les  favoriser  prioritairement  lors  de  l’attribution  des  contrats.  Mais  ce  ne  sera  pas  suffisant.  Chaque  organisme  et  chaque  citoyen  doivent  les  encourager,  car  c’est  la  première  façon  de  protéger  son emploi et ses services sociaux.

Non,  il  ne  s’agit  pas  de  tous  retourner  à  la  campagne  avec  quelques  arpents  verts,  un  jardin,  des  poules,  un  cochon  et  une  vache.  Il  faut  que  toute  la  société  se  mette  collectivement au service de sa propre société, en priorité. Bien sûr, nous ne produirons pas de bananes ni d’ananas au Québec.  Mais  nous  avons  un  formidable levier économique disponible : Hydro-Québec.    Cette    société    se    plaint d’avoir des surplus à ne savoir qu’en  faire !  Alors !  Pourquoi  ne  pas  les mettre au service des producteurs en  serres  à  tarif  réduit  pour  développer  une  plus  grande  autonomie alimentaire ? La liste pourrait être très longue.  Poursuivre  la  transition  vers  le télétravail ; accélérer la conversion vers  les  énergies  propres,  soutenir l’industrie   lourde   par   des   projets   structurants,    etc.    Les    Québécois    ont  été  au  fil  des  siècles  résilients  et  inventifs.   Voilà   encore   une   belle   occasion de le prouver !

Si  nous  arrivons  à  faire  cela,  il  sera  peut-être  possible  de  dégager  des  ressources   humaines   et   financières   afin  de  nous  préparer  pour  la  prochaine  pandémie,  car  il  y  en  aura  d’autres.  Tout  comme  celle  que  nous  vivons présentement, des scientifiques la    prédisaient    depuis    longtemps,    mais  la  plupart  des  gouvernements  n’en  avaient  que  pour  la  croissance  et  l’augmentation  du  PIB.  En  clair,  cela  signifie  souvent  plus  d’argent  pour nos multimilliardaires mondiaux. «  Un  nouveau  rapport  d’Oxfam  publié le 19 janvier 2020, à la veille du Forum  économique  mondial  (FEM)  de  Davos,  en  Suisse,  révèle  que  les  2 153 milliardaires du monde se partagent plus de richesses que 4,6 milliards  de  personnes,  soit  60  %  de  la  population de la planète ».

Mais  cette  croissance  effrénée  et  la  déprédation  de  nos  ressources  nous  mènent  tout  droit  vers  une  crise  environnementale  sans  précédent  pour  l’humanité. Nous y reviendrons!