Pendant que le débat sur l’occupation du nouveau colisée anime les amateurs sportifs et occupe les tribunes régionales, le vrai débat lui, sur l’appropriation citoyenne et le financement à même les fonds publics, semble passer sous silence. Photo : Dominic Bérubé

La planète hockey en Trifluvie

Réal Boisvert, La Gazette de la Mauricie, Trois-Rivières, février 2020

Le hockey est un sport qui ne se pratique pas que sur la glace. Il a cours dans les estrades, sur la rue, sur les tribunes.  À telle enseigne que, par les temps qui courent, on a le sentiment à Trois-Rivières que le quotidien régional, les télés et les radios publiques ou privées ne parlent que de cela.

Le sujet de l’heure concerne le nouveau colisée, un aréna comptant 4 390 sièges avec un minimum de 250 places assises pour les activités récréatives, 18 loges corporatives et 2 salons VIP. Le tout ayant exigé  60 millions de dollars de fonds publics, ce à quoi s’ajoutent périodiquement plusieurs milliers  de dollars pour des bandes de patinoire règlementaires ici, pour l’aménagement d’un dispositif de trottoirs chauffants là, pour l’amélioration de la sonorisation par-ci, pour le déplacement de quelques rues par-là, etc. Rien de trop beau pour la classe ouvrière !

Maintenant que les travaux sont à peu près terminés, le débat porte sur l’occupation des lieux. Dans un monde idéal, cette question aurait dû se poser d’entrée de jeu. Mais non. À l’instar de ce qui s’est fait dans le cas du Centre Videotron à Québec, à Trois-Rivières ça prenait d’abord et avant tout un colisée, pour le reste on verra après.  Les hôteliers, les entrepreneurs, les restaurateurs et les vendeurs de produits dérivés ne sauraient attendre.

La discussion tourne autour, soit de l’exclusivité accordée aux Patriotes de l’UQTR ou à une équipe dite de l’East Coast Hockey League (ECHL); soit de la cohabitation des deux. Dans un cas on fait valoir le développement, voire l’explosion du hockey universitaire au Québec. Dans l’autre, on parle d’une association avec les Canadiens de Montréal, une équipe qui pourrait éventuellement repêcher un joueur de calibre professionnel chez la franchise trifluvienne de l’ECHL.  Imaginez : un joueur évoluant à Trois-Rivières promu dans le quatrième trio de la Sainte Flanelle!  Les fans capotent.

Le recteur de l’Université est en faveur de la cohabitation. Daniel Lamarre, membre du Comité aviseur des Patriotes est contre.  Le commissaire de la Ligue de hockey junior du Québec Gilles Courteau en rajoute à la une du Nouvelliste : « Il y a assez de hockey amateur à Trois-Rivières, tout ce qui manque c’est du professionnel », lance-t-il sans appel. Le conseil municipal tergiverse, le maire en tête.  Les conseillers prient le promoteur de l’ECHL de venir leur présenter son projet. Ce dernier a cependant pris la peine de préciser que, quoi qu’il arrive, rien n’est envisageable avant un an ou deux à la condition bien sûr que, advenant la cohabitation, le colisée soit configuré pour faire en sorte que deux équipes puissent y évoluer en permanence, moyennant plusieurs milliers de dollars à la clé encore….

Voilà. Les citoyennes et les citoyens de Trois-Rivières se retrouvent devant un fait accompli. Ils sont les otages d’un mégaprojet qui est devenu une patate chaude avec laquelle s’amusent les médias de la région. On a l’impression d’assister à une émission en boucle du réseau des sports où, entre deux entrevues de joueurs millionnaires résidant à Montréal depuis des années et qui ne sont même pas foutus de nous faire à la caméra l’aumône d’un bonjour ou d’un merci en français, on nous serine sans fin les mérites de tel projet ou de tel autre ou bien les avantages des deux en même temps. Pendant ce temps, pas question que soit divulgué publiquement un minimum d’informations concernant les garanties de succès offertes par les promoteurs.

On n’y échappe pas, impossible de remettre la dentifrice dans le tube.  À la décharge des élus en place, les incertitudes reliées au colisée ne leur sont pas imputables. De tout cœur cependant, souhaitons que ces derniers soient inspirés au mieux pour la suite des choses. Et dans la foulée, essayons de trouver ensemble dorénavant une meilleure façon de mettre en lumière les enjeux de société reliés à l’usage trop souvent inconsidérés des fonds publics quand vient le temps de divertir la galerie.