En tournage pour le clip de l'extrait Douchebag. Photo : Alexandre Caron

Caron Greffard: Retour aux souches

Lise Millette, L’Indice bohémien, Abitibi-Témiscamingue, février 2020

Dans le repère mythique du Rang du pouce de Rapide-Danseur, aussi connu sou le nom de la « shed », Sébastien Greffard et Jean Caron ne font aucun compromis, la musique est un plaisir.

Douchebag est un retour sur album de Jean Caron après les succès du groupe Anonyme Les enfants de la tempête en 1996. Il s’agit également d’une nouvelle présence en enregistrement pour Sébastien Greffard 15 ans après C’est flou, en 2004 et Dans ma talle en 2011. Tous les deux travailleurs de l’ombre, derrière les instruments ou la caméra depuis des années, les deux légendes reviennent sous les projecteurs en 2020.

« À l’âge qu’on a et avec les vies qu’on fait, y’a pu un seul projet qui prend toute la place », commence Sébastien Greffard. L’un et l’autre ne s’élancent pas tête baissée, mais en gardant les deux pieds sur terre.

Avec des responsabilités familiales et professionnelles, le duo Caron/Greffard est un projet qui allie un intérêt marqué pour la musique qui ne s’est jamais tari, mais avec la maturité de musiciens qui assument leur quarantaine.

« En gros, on a toujours la passion, mais plus les 20 ans pour tout laisser derrière pour aller mangers des toasts au beurre de peanuts en attendant que ça marche », affirme sans détour Sébastien Greffard.

Jean Caron abonde dans le même sens. Avec le temps, le rapport au succès a changé. Il faut dire que l’un et l’autre ont développé des carrières parallèles. Jean Caron a sa propre boîte de production vidéo et de photographie, alors que Sébastien enseigne à l’école de musique d’Abitibi-Ouest. Les deux se croisent régulièrement sur des projets communs, les trames sonores pour la Troupe à cœur ouvert, entre autres

« Voir une couple de shows de Lubik m’a donné un coup de pied au cul. De les voir tripper à fond, je me suis dit que ça pouvait être le fun. Alors on y est. On a que les bouts plaisants, sans la pression, on travaille de jour et on boit du Gatorade! » résume-t-il en riant.

 

Le DIY au rendez-vous

Forts de leurs expériences respectives, Jean Caron et Sébastien Greffard sont les seuls maîtres à bord. Direction artistique, direction photo, montage des vidéoclips, arrangements, musique, réalisation de l’album : ils n’ont pas à négocier avec une tierce partie.

« Ni l’un ni l’autre n’avons d’égo à gérer. On essaie des trucs et si ça ne fonctionne pas, on ajuste », résume Sébastien.

« Nous avons tous les deux travaillé avec des réalisateurs pour d’autres projets. Moi avec C’est flou et Jean avec Anonyme. Cette fois, on réalise tout nous-mêmes, sauf le mastering que l’on confie à Yannick St-Amand », précise Sébastien Greffard.

Tout faire soi-même comprend toutefois un certain risque, comme celui de tout perdre en raison d’un problème informatique.

« Notre album Douchebag, on a dû l’enregistrer deux fois parce que le disque dur a planté et on était incapable de récupérer nos données », révèle Sébastien Greffard.

« Et la chanson, Douchebag n’était pas sur ce premier enregistrement! On l’a faite en refaisant tout le reste », confie Jean Caron.

Après Douchebag, pièce titre de l’album, le deuxième clip Tu parles pas, a été lancé le 20 janvier. Cette chanson de Sébastien Greffard avait été écartée, mais trouve enfin sa place sur un album.

« Je l’avais déjà enregistrée, mais sans jamais la sortir officiellement. C’était à l’époque de C’est flou, en 2004. Elle avait été jugée trop rock pour l’album », confie-t-il, démontrant du même coup la latitude de l’autoréalisation.

 

Simplement la musique

Confortablement installé dans ses pantoufles, au milieu de sa « shed » où logent des décennies de souvenirs, Sébastien Greffard n’a rien perdu ni de son look d’adolescent ni de son énergie. En revanche, il est beaucoup plus serein.

« Pendant longtemps, ce que je voulais, c’était percer. J’avais besoin que ça marche pour me prouver et faire ma place. Je suis parti à Montréal, j’ai travaillé sur de beaux projets, mais je suis content d’être revenu. Aujourd’hui, j’ai fini par décrocher et lâcher prise, mais j’ai toujours du fun ».

Le temps qui passe et l’arrivée des enfants ont aussi remis plusieurs choses en perspective. « Avec Anonyme, j’avais besoin que ça marche pour une question de survie », reconnaît aussi Jean Caron dont les enfants prennent aussi part à l’équation. Son fils Alexandre signe les vidéoclips alors que sa fille Louanne capture en photos certains moments clés.

Pour 2020, le duo Caron Greffard a déjà quelques spectacles en vue, notamment en ouverture du Festival des langues sales. Ils seront également sur scène cet été dans des lieux et scènes à confirmer.

Ainsi, la voix chaude de Jean Caron, ses textes à la fois tragiques et résolument humains, de même que les envolées rythmées de Sébastien Greffard et ses solos bien sentis seront de retour sans avoir pris une ride. Les deux musiciens renfilent leurs pantoufles dans un naturel désarmant, mais dans un son qui se déchausse solidement.