Le Manoir Mauvide-Genest à la croisée des chemins

Marc Cocharne, Autour de l’île, Île d’Orléans, janvier 2020

Face au tollé soulevé lors d’une rencontre de discussion sur l’avenir du Manoir Mauvide-Genest organisée le 7 janvier par la Fondation Minigo, les représentants de la Société de développement de la seigneurie Mauvide-Genest (SDSMG) ont retiré le projet de développement initié en 2017.«  Lors d’un conseil d’administration provisoire, nous avions convenu de tenir une réunion élargie avec les intervenants liés au Manoir Mauvide-Genest. L’activité organisée par la Fondation Minigo nous a pris de court avec la stratégie orientée vers le blocage du projet. C’est dommage pour le Manoir, pour la municipalité de Saint-Jean-de-l’Île-d’Orléans et pour l’île d’Orléans, mais si les gens n’en veulent pas, nous nous retirons », a déclaré le mandataire de la SDSMG, Marc Blouin, le jour de l’abandon du projet, le 14 janvier.

M. Blouin a précisé que le projet de développement avait été approuvé par les membres du c.a. provisoire, soit la MRC de l’Île d’Orléans, la municipalité de Saint-Jean-de-l’Île d’Orléans et la Fondation Minigo ce qui a pris par surprise la directrice générale de la SDSMG, Francine Dépatie et lui.

Le couple avait réussi à amasser 700 000 $ sur 1,3 million $ nécessaire pour le projet de type tourisme culturel. «  Le problème numéro 1 du Manoir est son autonomie financière. Présentement, il est en danger de fermeture, tellement la situation est précaire. Il fallait un projet pour garantir cette autonomie. C’est pourquoi nous avons travaillé sur ce projet », a ajouté M. Blouin.

De  son  côté,  la  présidente  de  la  Fondation Minigo, Chantal Javaux, a  souligné  que  le  projet  avait  été  mené dans le sens touristique ce qui ne concorde pas avec la mission du Manoir Mauvide-Genest qui constitue un centre d’interprétation du régime français.«  Par contre, nous pensons à ériger un pavillon d’accueil avec équipement sanitaire pour accueillir des groupes ou célébrer des mariages. Après 20 ans, il y a des améliorations à apporter au Manoir. Nous regarderons les subventions offertes par les gouvernements provincial et fédéral pour défrayer ces travaux », a noté Mme Javaux.

Concernant la démission des membres du conseil d’administration de la SDSMG, sauf Mme Javaux, cette dernière estime qu’avec le retrait du projet de développement, ce geste constitue une suite logique aux événements. En présence d’une trentaine de personnes réunies au centre communautaire de Saint-Jean-de-l’Île-d’Orléans, Mme Javaux a précisé que la soirée, qui a duré plus de trois heures, visait à regrouper de nouvelles énergies pour déterminer des perspectives de financement pour ce site dont, selon elle, la valeur culturelle et patrimoniale est unique et indéniable. Le Manoir Mauvide-Genest est d’ailleurs reconnu comme lieu historique national. Mme Javaux a mentionné que la SDSMG tente d’obtenir une accréditation muséale du ministère de la Culture et des Communications (MCC), ce qui assurerait le financement du fonctionnement du bâtiment pour les cinq prochaines années.

 

Volet commercial ajouté

Visant à assurer la viabilité financière de la SDSMG, à empêcher la vente du manoir, à le garder ouvert au public et à garantir sa mission comme centre d’interprétation de la Nouvelle-France, le projet consistait à maintenir les opérations du manoir durant toute l’an-née, à augmenter l’offre commerciale par un café-boutique, des jardins de la Nouvelle-France, un kiosque maraîcher, une buvette et une terrasse sur la rive du fleuve Saint-Laurent ainsi que par l’installation de cabines d’hébergement quatre saisons en verre de style contemporain. Selon M. Blouin, le projet de développement permettait d’assurer des revenus de 300 000 $ à 400 000 $ annuellement. C’est sur le dernier point que plusieurs participants à la réunion ont manifesté leur désaccord. Essentiellement, on ne souhaite pas que le volet hébergement vienne nuire à la vocation patrimoniale du manoir érigé en 1734 par Jean Mauvide.

Un autre bémol a été relevé par des membres de l’auditoire. Des personnes présentes n’ont pas aimé que M. Blouin et Mme Dépatie préparent un projet d’une telle ampleur sans avoir obtenu l’assentiment d’un conseil d’administration élu à la suite d’une assemblée générale. En 2016, la faillite technique du manoir avait entraîné la démission en bloc des administrateurs de la SDSMG, situation qui s’est perpétuée jusqu’en 2019, alors que M. Blouin a été désigné mandataire par la MRC de L’Île-d’Orléans, la municipalité de Saint-Jean-de-l’Île d’Orléans et la Fondation Minigo. Les activités du manoir ont alors été maintenues au minimum.

 

De nouvelles énergies

En 2017, la Fondation Minigo et la Fondation du Manoir Mauvide-Genest ont unifié leurs forces au service de la communauté de l’île d’Orléans. Les deux fonds de dotation permettent notamment de verser annuellement des revenus d’intérêts au Manoir Mauvide-Genest. Depuis 2000, plus de 500 000 $ ont été versés au fonctionnement du Manoir en partie grâce au mécénat de l’abbé Raymond Létourneau. En décembre 2021, la subvention d’immobilisation du MCC sera échue et la Société sera propriétaire du site patrimonial libre d’hypothèque.«

La protection et la mise en valeur du patrimoine de l’île d’Orléans ont toujours été notre mission première et continuent de l’être. Plus de 20 ans après la restauration du Manoir Mauvide-Genest, de nouvelles énergies se mobilisent pour assurer la pérennité de ce monument et de son site uniques », a affirmé Mme Javaux qui avait invité un représentant de Parcs Canada, M. Yvan Fortier, historien et ethnologue bien connu, pour discuter de l’histoire du Manoir Mauvide-Genest.