Créer un emploi à l’image de ses passions

Cynthia Prévost, Au fil de La Boyer, Saint-Charles-de-Bellechasse, novembre 2019

Jean-François  Roy,  fils  de  Diane  Rémillard  et  Mario  Roy,  est  de  passage  à  Saint-Charles,  son  village natal, pour le mois d’octobre. Comme chaque année, il vient ici pour exercer une de ses passions : la  viticulture.  Son  histoire  est  plus  qu’intéressante.  Durant  sa  jeune  vingtaine,  Jean-François  a  été  un  grand voyageur. Il a travaillé à la taille  de  la  vigne  dans  plusieurs  pays et continents. C’est à 22 ans, en Australie, qu’il a connu l’amour du vin et de la culture des vignes. Ce   grand   passionné   a   décidé,   au  retour  d’un  voyage  en  2010,  de planter de la vigne au coin du rang  de  l’Hétrière  Ouest  et  de  la  route 279. Ayant rapporté une fa-çon de cultiver les vignes, très différente des techniques utilisées dans la  région,  Jean-François  désirait  rester près de la nature avec cette exploitation.  Les  vignes  hybrides,  capables  de  résister  à  nos  hivers,  ont   été   laissées   à   elles-mêmes   durant   les   premières   années   et   Jean-François   a   parfois   douté   de  ses  choix  ;  il  a  même  arraché  certains    plants.    Aujourd’hui,    il    exploite   les   1000   plants   avec   son  frère  aîné  Nicolas  et  et  le  site  s’appelle  le  «  Clos  Survivant  »  puisque  ces  vignes  plantées  en  2010  ont  réussi  à  traverser  les  années  malgré  toute  attente.  Les  deux hommes songent maintenant à augmenter leur nombre.

Nicolas Roy, pour sa part, est resté dans la région. Il travaille comme intervenant  sportif  à  l’École  Vanier et il donne un coup de pouce au  commerce  de  légumes  de  ses  parents  sur  la  279.  C’est  aussi  lui  qui  prend  soin  des  vignes  toute  l’année   en   attendant   le   retour   de  Jean-François.  Les  2  garçons  partagent   une   belle   complicité,   une  magnifique  complémentarité  et  une  belle  vision.  Ils  ont  choisi  de  respecter  l’équilibre  naturel  des  milieux  écologiques  dans  le  cadre  de  leur  production  de  raisins.  Au  départ,  les  fruits  étaient  ramassés  puis  vendus  à  d’autres  vignerons  de  la  région.  Puis,  les  deux  hommes  ont  établi  une  collaboration   avec   la   cidrerie   Le   Somnambule  en  2017  pour  produire leurs vins. Ils ont été charmés par l’appellation « vin nature » qui désigne  les  vins  biologiques  qui  sont élaborés sans aucun ajout de produits    de    conservation,    de    sulfite,   ni   de   sucre.   Ce   produit   de  niche  exige  une  sélection  très  méticuleuse   de   raisins   sains   et   les   productions   sont   différentes   chaque   année.   Le   Québrusco,   le  Monstre  et  l’Aglyphe  sont  les  productions  de  la  dernière  cuvée  (année).  Les  bouteilles  arborent  de superbes étiquettes, créées par Nicolas et Louis-Guy Roy. Le lancement  de  la  cuvée  2018,  contenant  500  bouteilles,  a  eu  lieu  au  Bistro Moine Échanson juste avant sa fermeture au début octobre (Importateur  de  vin  nature  :  http://www.lesimportationsdumoine.com/listing) et toutes les bouteilles ont été vendues lors de cette seule soirée.   Certains   restaurants   du   Vieux-Québec  se  tournent  maintenant vers les vins nature pour répondre aux demandes des clients, soucieux  d’offrir  des  produits  authentiques.  Les  vendanges  2019  sont  en  cours  au  moment  d’écrire  cet  article.  Comme  à  l’habitude,  un grand groupe des gens de l’entourage des garçons procède à la récolte avec eux.

Jean-François     a     acquis     ses     connaissances  et  son  expérience sur  la  viticulture  et  la  production  de vin en Europe, plus précisément dans  la  région  du  Languedoc  et  de  la  Vallée  de  la  Loire.  Depuis  6  ans,  il  se  consacre  à  l’importation  de  vin  nature  à  Berlin,  en  Allemagne. Son entreprise (https://www.rocketwineberlin.com)     est     aussi  devenue  un  refuge  pour  les  amoureux  de  vin  nature  en  leur  permettant  de  déguster  de  nouveaux  vins  choisis  avec  soin.  Son  équipe  composée  d’Elisa  Henny,  d’origine  suisse,  et  Sylvain  Deletang,  d’origine  française,  représente bien la richesse culturelle qui anime Jean-François. Aussi, Berlin s’est  imposé  comme  un  choix  naturel  pour  ce  grand  voyageur.  Il  a  d’abord  rencontré  sa  conjointe,  Marlene  Hentschel,  à  Bordeaux  alors  qu’il  visitait  une  amie  avant  son   départ   pour   travailler   en   Afrique du Sud. Marlene, pour sa part, réalisait un stage à Bordeaux à ce moment-là, alors qu’elle était originaire de Munich. Berlin représentait une situation géographique parfaite pour le couple puisqu’elle est centrale et en accord avec leur désir de favoriser le vélo dans les déplacements quotidiens.

Au  départ,  Jean-François  réalisait  lui-même  toutes  ses  livraisons  de  vin  en  vélo-cargo  et  cette  tâche  lui  prenait  une  vingtaine  d’heures  par semaine. Passionné de vélo, il relevait  le  défi  de  transporter  une  centaine de kilogrammes de bouteilles de vin. Maintenant, la livraison en vélo-cargo est plus répandue  et  les  vélos  comportent  des  assistances électriques. Jean-François  peut  donc  se  consacrer  davantage  à  ses  autres  tâches.  Il  effectue  des  tournées  auprès  des  vignerons de vin nature de France, d’Espagne,  d’Autriche,  de  République  tchèque,  de  Slovaquie  et  d’Allemagne    pour    sélectionner    méticuleusement les cépages pour les  vins  dont  il  est  le  distributeur  auprès de ses clients restaurateurs. Bien   entendu,   Jean-François   en   profite  pour  goûter  ces  vins  et  il  organise également de nombreux événements   de   promotion   avec   les vins qu’il a choisis et qu’il veut faire connaitre.

Pour  sa  part,  Marlene  travaille  à  promouvoir  le  vélo  auprès  des  entreprises.  Elle  crée  des  structures qui facilitent l’achat de vélos par  les  compagnies  à  l’intention  de  leurs  employés.  Elle  est  aussi  passionnée  de  vin  et  et  le  couple  a  décidé  de  démarrer  un  projet  de production de cidre avec deux collaborateurs. Les 1000 litres de cidre sont produits en accord avec leurs valeurs, à partir des pommes disponibles.  L’Est  de  l’Allemagne  regorge de pommiers communautaires,  plantés  pour  tous  les  habitants  après  la  Deuxième  Guerre  mondiale.  Le  couple  n’a  pas  que  le  cidre  comme  nouveau  projet,  un  petit  garçon,  Flynn  Hentschel,  8  mois,  s’est  aussi  ajouté  à  la  famille. Il était présent avec ses beaux yeux   bleus   lors   de   l’entrevue.

L’amour  du  vin  et  des  voyages  habite  Jean-François,  Marlene  et  Nicolas. Ces trois visionnaires ont plusieurs  idées  pour  l’exploitation  de  la  279.  Laissons-leur  le  temps  de  nous  impressionner  avec  leurs  projets.