Réal Boisvert, La Gazette de la Mauricie, Trois-Rivières, novembre 2019
Le 21 octobre dernier ouvrait la nouvelle clinique multidisciplinaire au Centre Cloutier-du Rivage. L’ouverture de cette clinique fait suite à la décision de l’administration du CIUSSS MCQ annoncée en août dernier de fermer l’urgence, une fermeture contestée.
Plus de sept mille personnes ont signé la pétition s’opposant à la fermeture de l’urgence du Centre Cloutier-du Rivage dans le secteur Cap-de-la-Madeleine à Trois-Rivières. Rappelons que cette urgence se situe dans un environnement très défavorisé au plan de l’emploi, de la scolarité et des revenus. On y retrouve plus de 25 % de personnes âgées, un peu plus de 50 % de familles monoparentales et des taux de signalements jeunesse supérieurs à ce que l’on observe pour la région. Plusieurs gens vivant dans ces conditions ont moins souvent accès à un médecin de famille et tardent habituellement à consulter quand ils éprouvent un problème de santé. En moyenne, les résidents de ce secteur affichent une espérance de vie inférieure de cinq à six ans en comparaison des personnes qui résident dans les quartiers les plus favorisés selon le dernier rapport du Directeur régional de la santé publique.
Parmi les signataires de la pétition on retrouve des commerçants, des gens de la place, des travailleurs au salaire minimum, des bénéficiaires de revenus de dernier recours et des personnes seules. Pour beaucoup d’entre eux, se déplacer en cas d’urgence à l’autre bout de la ville représente une dépense prohibitive.
Cette communauté a néanmoins du ressort. Elle s’est levée d’un seul coup et, dans un élan du cœur, s’est portée résolument à la défense de ses services de santé de proximité. Elle n’a pas exigé la lune. Elle a imploré tout simplement les autorités du CIUSSS de surseoir momentanément à un projet mal ficelé. En effet, on peine à recruter les super-infirmières devant prendre la relève des médecins. Bref, de quelque côté que l’on regarde la chose, la reconversion de l’urgence en clinique de proximité revient, en dépit des beaux discours, à opérer une coupure de services à un endroit où les besoins sont les plus criants. Sept mille signatures en vain… On connait la chanson. Combien de signatures ont stoppé le mouvement Desjardins au moment où il a procédé à la fermeture de dizaines de comptoirs de service sur l’ensemble du Québec? Aucune. Idem avec le CIUSSS. Tout se passe comme si les grosses bureaucraties de services se situaient au-dessus de la mêlée dans un univers autorégulé, sans interaction avec le vécu et les contingences du réel. On a eu un bon aperçu du décrochage populationnel du CIUSSS quand, sous le couvert d’une démarche dite scientifique, on a demandé à des parents désireux de devenir famille d’accueil s’il était préférable d’abuser de son enfant plutôt que de tromper sa femme. N’importe qui vous dira que pareille hérésie a autant à voir avec la recherche d’une donnée probante qu’un tweet de Donald Trump a à voir avec la diffusion de la théorie de la relativité générale.
Dans la même veine, étant donné les errances du gouvernement Legault en matière d’environnement, à quoi peuvent bien servir les 250 000 signatures de la pétition initiée par Dominique Champagne concernant le pacte pour la transition énergétique? Et on s’étonnera après tout cela que d’aucuns, pour se faire entendre en matière de santé ou d’environnement, préfèrent désormais forcer la fermeture d’un pont plutôt que de s’adresser à un mur?