Danielle Goyette, L’Écho de Compton, octobre 2019
Quand Monique Bégin, membre des Lions de Compton depuis 2011, s’implique, elle ne le fait pas à moitié. Pendant 15 ans, elle a recueilli les lunettes usagées des gens de la région, a organisé des séances de lavage et d’essuyage, en a vérié les ordonnances et les a classées pour les remettre ensuite à l’équipe d’Optométristes sans frontières qui les distribuait de par le monde.
Pendant 15 ans, dès le début de sa retraite, Monique a fait cela à temps plein, pendant six mois chaque année. En 2019, à regret, elle a décidé de s’arrêter. Parce qu’elle a décidé de prendre soin d’elle un peu et de profiter de cette retraite qu’elle n’a pas encore vue passer!
Une initiative porteuse de bonheur
L’initiative de préparer des lunettes usagées pour les plus démunis dans le monde en collaboration avec Optométristes sans frontières remonte à très loin. Le 30 juin 1925, Helen Keller, une dame devenue aveugle et sourde à l’âge de 18 mois, et dont l’histoire est bien connue, s’adresse aux membres de la convention du Lions Clubs International réunis dans l’Ohio.
Cette dame volontaire et avant-gardiste met les Lions au défi de devenir des « chevaliers des aveugles dans la croisade contre les ténèbres.» Pour tous les Lions dans le monde, cela deviendra le début d’un engagement qui ne se tarira jamais. Une multitude de missions seront engagées afin que les plus démunis puissent profiter de soins optométriques afin de mieux voir. En 1971, le club Lions International déclarera le 1er juin « Journée Helen Keller ». Et en plus d’offrir de tels soins, d’autres services verront le jour comme celui d’amasser des lunettes usagées et de les distribuer aux gens dans le besoin.
En mission de par le monde
Les Lions présents à cette journée n’ont jamais oublié ce discours. De nombreux comités de lunettes usagées organisés par les clubs Lions existent depuis dans différents pays. Le Coaticookois Hector Tremblay fait partie des Optométristes sans frontières à avoir sillonné la planète pour aller distribuer des lunettes aux gens dans le besoin. Monsieur Tremblay, lui-même un membre Lions, s’est rendu avec de petites équipes dans différents pays: Honduras, Haïti, Bolivie, Pérou, Philippines, Équateur, Roumanie, Mexique, Guatemala, Afrique dont la Tanzanie… Ce ne sont là que quelques pays qu’il a visités. Lors d’une seule visite, il pouvait distribuer jusqu’à 1200 lunettes. À ce jour, Hector Tremblay a accompli plus d’une trentaine de missions et distribué plus de 35000 lunettes dans tous ces pays.
Collecter, laver, calibrer et distribuer des lunettes
De son côté, pendant toutes ces années, Monique Bégin n’a pas chômé. Son histoire à elle a commencé en 2004 quand elle rencontre Hector Tremblay qui lui fait part de cette œuvre humanitaire. Monique nous raconte. « Hector m’a entre autres initiée à l’utilisation du lentimètre qui permet de mesurer la prescription des lunettes à même les verres.
Au début, le lentimètre avec lequel je travaillais était manuel. À l’époque, on devait préparer environ 500 paires de lunettes par année. On lavait et essuyait les lunettes à la main, l’analyse prenait du temps et on n’était qu’un petit groupe. Une chance que j’ai finalement reçu un lentimètre électronique en 2005 qui faisait tout le travail d’analyse tout seul. L’imprimante sortait même une étiquette avec la donnée dessus ! Ça ne prenait même pas une minute et tout était fait ! Je classais les lunettes dans des boîtes selon les calibres. Mon conjoint Vincent allait les porter chez Hector et elles étaient prêtes à partir en mission.»
Lions à Compton
En février 2011, Monique devient membre Lions au club de Compton. Quand elle fait part de cette action bénévole aux membres Lions et de son besoin d’aide, on l’accueille avec beaucoup de support et d’encouragement. Monique prend en charge la collecte des lunettes usagées qu’elle et son mari entreposeront dans leur garage. Ils organisent des réunions de cuisine dans leur propre demeure avec des amis bénévoles pour le nettoyage des lunettes. «On les lavait avec des brosses à dents pour aller bien dans tous les recoins de la lunette et on les essuyait encore toutes à la main. Puis, avec mon lentimètre, j’en calibrais la prescription.»
De 18 à 20000 lunettes usagées reçues au départ, ils en viendront à en recevoir 35000, et ce, jusqu’à 46000 en 2018. Toujours entreposées dans leur garage, ces lunettes proviennent des hôpitaux, d’optométristes, de pharmacies et de particuliers.
Améliorer la charge de travail
Un jour, Lions Benoît Côté, membre fondateur du Club Lions de Compton, demande à Monique ce que les Lions pourraient faire pour alléger sa tâche. À partir de ce moment-là, Monique ne manquera plus jamais d’aide et ils se réuniront dorénavant au sous-sol de l’église Saint-Thomas-D’Aquin. Ils se rencontrent chaque semaine de janvier à mars et ils sont parfois jusqu’à douze à s’activer au nettoyage. Monique se souvient: «On pouvait sortir au moins 7000 à 8000 lunettes par année ! Ça roulait ! Quand elles étaient toutes propres, je les rapportais chez moi et je faisais l’analyse au lentimètre, bien installée dans ma grande verrière en écoutant de la musique.
Dans une journée où je travaillais le matin, l’après-midi et parfois même en soirée, je pouvais préparer de 3 à 400 paires de lunettes. Je sortais environ 5 à 6000 paires de lunettes par année.»
Ensuite, ils trouveront le moyen de faire laver les lunettes dans un lave-vaisselle industriel d’abord au café Que du bonheur ! pendant deux ans, une gentillesse de Corine Descampe, puis ce sera ensuite la cafétéria de l’école Louis-St-Laurent qui accueillera l’équipe et même de jeunes Lionceaux qui donneront du temps bénévole pour essuyer les lunettes sorties du lave-vaisselle.
Enfin en 2018, l’équipe de Monique aura la possibilité d’utiliser le lavevaisselle industriel du CRIFA à Coaticook. «À partir du moment où on n’a plus eu à laver les lunettes à la main, on a sauvé beaucoup de temps et c’était aussi beaucoup moins demandant comme travail ! Au CRIFA, le lave-vaisselle prenait une minute et demie à laver près de 100 lunettes à la fois ! Il ne nous restait plus qu’à les assécher à la main, le cycle de séchage étant trop chaud pour les montures. Mais quel temps on a sauvé. En 14 semaines, on a pu préparer plus de 14000 paires de lunettes !»
C’est le temps de la «vraie retraite»
Si Monique Bégin s’est consacrée presque cœur et âme à la préparation de toutes ces lunettes dès qu’elle a pris sa retraite en 2004, elle a décidé en mars 2019 de prendre une véritable retraite en quittant son poste à la tête du nettoyage de lunettes pour Optométristes sans frontières afin de s’accorder le temps désiré pour jouer dans ses plates-bandes et respirer un peu. « Il fallait que je pense un peu à moi et que je profite enfin de ma retraite, ce que je n’avais pas encore eu le temps de faire ces 15 dernières années ! Et puis, il y a quand même pas mal de gens dans le monde qui portent des lunettes qu’on leur a préparées tous ensemble, ici même, à Compton. Et ça, quand j’y pense, ça me fait toujours bien chaud au cœur !»