Crise des médias: On se sent moins seuls

Richard Amiot, Droit de parole, Québec, septembre 2019

La faillite des six quotidiens du groupe de presse Capitale médias a brièvement propulsé la crise de l’information à l’avant-plan de la politique québécoise. Elle provoqué la convocation d’une commission parlementaire spéciale à l’Assemblée nationale*. Il ne faut pas en attendre grand-chose. Songez, la ministre de la Culture et des Communications du Québec, Nathalie Roy, n’y a même pas participé. La campagne électorale fédérale déclenchée, on n’en a pas parlé, malgré l’interpellation des partis politiques, car on presse le gouvernement central de rétablir l’équité fiscale en faveur des éditeurs et des diffuseurs canadiens.

Bienvenus au club

Les six quotidiens de Capitale Médias ont fait faillite parce que les revenus en publicité des journaux se sont effondrés en même temps que les ventes d’abonnements ou en kiosque. Les médias communautaires et nombre d’hebdomadaires locaux au Québec vivotent ainsi depuis longtemps. La crise couvait. La gratuité de l’information, voulue par les éditeurs dès la fin des années 1970, en est la cause première. Croit-on, si cela n’a pas de prix, que cela ne coûte rien ? L’avènement des réseaux sociaux et leur accaparement des revenus de la publicité, hors taxes, ont seulement accéléré l’évolution d’une crise de l’information qui perdurait depuis des années, des lustres, voire des décennies.

 

La liberté de l’information

Seuls des journaux d’élite, comme Le Devoir, au Québec, ou The New York Times ou Le Monde, semblent capables de tirer leur épingle du jeu grâce au soutien des lecteurs. Il reste de moins en moins de médias indépendants. Nous devenons dépendants de diffuseurs peu fiables sur Internet, où se confondent informations vraies et fausses nouvelles, invérifiables; où l’on distille une propagande haineuse nous submergeant, une culture acrimonieuse du ressentiment envers autrui. Le problème, c’est la liberté de la presse, ou plutôt son absence.

La liberté de la presse découle de la liberté d’entreprise, hors des contrôles de l’État ou de l’accaparement du marché par des monopoles privés. Ce qui est maintenant notre cas. Que l’on songe, pour s’en convaincre, au quasi monopole de Québécor sur l’information au Québec, face au réseau de télévision d’État du gouvernement canadien et à de petits joueurs fragilisés par les conditions du marché. La liberté de la presse est un concept datant du XIXe siècle, l’époque où sont nées nos démocraties parlementaires. Cette idée est obsolète, dans les conditions actuelles, ou considérée dangereuse, dans les régimes politiques autoritaires.

De la liberté de la presse a découlé la liberté d’information, selon laquelle on peut informer le peuple de tout ce qui concerne les affaires publiques. Le « on », c’est l’éditeur ou le diffuseur, qui emploie des journalistes et d’autres gens de métier afin de produire cette information sur un support papier ou électronique. Et même si l’on doit concéder une grande autonomie professionnelles aux journalistes, on ne doit pas s’illusionner : seul la coexistence d’un nombre significatif d’éditeurs et de diffuseurs hors des contrôles de l’État ou malgré l’accaparement des marchés par des monopoles privés garantira la libre circulation de l’information. Actuellement, la censure et son pendant professionnel, l’autocensure, s’exercent partout. (Sauf à Droit de parole, évidemment!)

 

Des solutions

Les journalistes ont monopolisé le débat découlant de la plus récente crise dans le monde de l’information. Comme travailleurs, ils sont les premiers concernés. Ils ont tout à perdre. Mais la solution viendra du public, qui doit s’impliquer dans le rétablissement des conditions d’exercice de la liberté d’entreprise face aux géants du web, tous étrangers d’ailleurs, et face à quelques grandes entreprises exerçant un dangereux monopole sur les moyens d’information publique. Il y faudrait le désir d’un grand chambardement et une grande implication politique, des conditions n’étant pas actuellement réunies.

* On trouve le mémoire présenté par l’Association des médias écrits communautaires (AMECQ) — dont Droit de parole est membre — sur le site de la Commission de la culture et de l’éducation de l’Assemblée nationale.