Avec Stéphanie Pelletier, la littérature entre à l’école et sort des livres

Pénélope Mallard, Le Mouton NOIR, Rimouski, septembre 2019

De janvier à juin 2019, l’écrivaine Stéphanie Pelletier a passé 12 semaines en résidence de création à l’école L’Envol de Métis-sur-Mer, dans le cadre du programme Une école accueille un·e artiste ou un·e écrivain·e, du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur du Québec. Objectif : mettre le cap sur la littérature vivante. « J’avais envie de faire découvrir aux enfants que la littérature, c’est pas juste dans les livres. J’avais envie qu’ils s’en rendent compte par leur propre travail de création et qu’ils passent à travers toutes les étapes de la conception d’un spectacle littéraire; […] cet aspect-là […] est moins connu dans les écoles. »

Ce projet était d’autant plus cher au cœur de l’artiste qu’elle l’a monté dans son école d’enfance avec son complice et ami Philippe Cavanagh, enseignant dynamique de L’Envol.

« Je souhaitais que les jeunes travaillent un peu sur leur environnement immédiat, leur école, leur village, leur territoire. Alors on est partis à la recherche d’informations, de mots, d’idées. » Pour consigner les trouvailles faites en chemin, chaque élève avait reçu un cahier dans lequel il ou elle pouvait noter tout ce qui lui passait par la tête, sans aucune censure. « C’est votre carnet d’écrivain·e, votre carnet de travail, de découverte, leur a dit Stéphanie Pelletier. Les fautes d’orthographe, je regarde pas ça. » Maître mot donc : liberté. D’écrire, de dessiner, de se confier au papier. « Les enfants ne sont pas habitués à cette liberté à l’école, poursuit l’artiste. Je voulais qu’ils écrivent sans contraintes. »

Et concrètement, comment s’est déroulée la cueillette? « Quand on était au bord du fleuve, je leur demandais ce qu’ils voyaient, quels étaient les mots qui leur venaient en tête. Ou encore, s’ils étaient capables d’imaginer ce qui se passait sous la glace. Ils ont écrit plein de mots que j’ai réutilisés par la suite […]. J’ai mis ces mots dans un chapeau. Ils devaient les piger et rédiger un texte. On a beaucoup travaillé avec leur propre vocabulaire […]. »

Stéphanie Pelletier a abordé trois genres avec les élèves : le récit de vie, ou tranche de vie, comme une tranche de pain, le conte/la légende et la poésie. « Les jeunes, la poésie, c’est facile pour eux. […] Ils ont comme une espèce de laisser-aller, de lâcher prise, ils sont vraiment ouverts. Quand ils sont plus vieux, ils commencent à se mettre un peu de censure, sinon, ils font des choses extraordinaires; j’étais […] étonnée de ce qui est sorti de ça. »

L’étape de l’animation a suivi celle de l’écriture. « Comment rendre ce texte vivant? Qu’est-ce qu’on pourrait faire pour le montrer aux gens? » Autant de questions que Stéphanie Pelletier a posées aux élèves. Après une tempête d’idées, « on a passé trois semaines à travailler pour créer ce qu’ils avaient imaginé, pour [mettre sur pied] leurs animations », à grand renfort de peinture, de crayons, de colle, de brillants.

Après avoir transformé quatre lieux, dans l’École, en espaces de présentation artistique, l’autrice a projeté les textes sur des écrans géants ou les a accrochés sur des cordes à linge, dans le gymnase. Résultat? Les p’tits mots vifs, spectacle de fin d’année de L’Envol sous forme de parcours littéraire et poétique déambulatoire. « C’était très émouvant. C’est leurs textes. Ce sont les jeunes qui ont tout imaginé. Les parents étaient [très] touchés de cette aventure que les enfants ont traversée avec moi. »

Et si c’était à refaire? Stéphanie Pelletier parle de ce projet avec toute la passion et la générosité qui l’animent. « Je [recommencerais], mais pas toute seule. C’est vraiment immense. Mais ça a été extraordinaire. Je repense à mon expérience avec une [grande] joie. Le bonheur de m’être investie sincèrement. Les profs me l’ont dit. Les parents m’en ont parlé : ce sentiment d’avoir changé quelque chose au niveau de la littérature. […] C’est gratifiant. Pour moi aussi, ils ont changé quelque chose, dans ma vision de la poésie, du monde, de la liberté d’écrire. »

Pour Stéphanie Pelletier, donner le meilleur de soi, bien faire, c’est fondamental. Le cahier d’écriture libre en témoigne. D’ailleurs, une enseignante veut reproduire l’expérience, racheter des cahiers pour les élèves : « Je n’en reviens pas comme ils écrivent autrement, avec plus de plaisir, quand ils sont totalement libres. »

Écrire.

En toute liberté.

Une graine précieuse a été semée.