Marjolaine Jolicoeur, L’Horizon, Trois-Pistoles, septembre 2019
En 2012, j’écrivais un texte sur un projet de zoothérapie mis en place au centre d’hébergement et soins de longue durée (CHSLD) de Trois-Pistoles par l’éducatrice spécialisée Nadia April. En partenariat avec l’éducatrice canine Nathalie Caron, du groupe Les compagnons canins, l’activité s’avérait possible grâce à la contribution financière de la Fondation du Réseau de santé et de services sociaux des Basques. À ce moment-là, j’étais loin de me douter que ma mère Marie-Marthe, 98 ans, résiderait un jour dans ce CHSLD et qu’elle pourrait elle aussi bénéficier de cette activité de zoothérapie en 2019.
Toutes les deux semaines, les ainés pistolois reçoivent la visite de thérapeutes canins — Cora, Gaya, Balou ou Sam — ayant tous été formés par Nathalie. Avec ces thérapeutes canins et humains, j’ai moi aussi arpenté récemment les trois étages du CHSLD des Basques pendant près d’une heure et demie.
Alors que notre groupe marche le long des corridors, des membres du personnel soignant s’arrêtent brièvement pour caresser les têtes poilues.
À l’entrée de chaque chambre, un cadre décrit le résident. Un tel, grand bricoleur, est représenté par un coffre à outils, un mécanicien par des voitures. Une telle aimait les voyages, une autre la couture, le jardinage ou aller danser. Une dame est photographiée dans sa jeunesse avec son vélo devant l’église de Trois-Pistoles. Une mamie avec ses petits-enfants. Des vies se résument en quelques photos : des hommes et des femmes jadis aimés, des histoires d’amour qui s’estompent dans la mémoire, dans le temps qui passe.
On jase avec les chiens
Avant d’entrer dans une chambre, Nadia sollicite d’une certaine façon la permission en demandant : « Vous voulez voir la belle Cora? » ou « Voulez-vous flatter notre beau chien? ».
Certains répondent oui tout de suite en s’exclamant devant la rondelette et douce chienne Cora âgée de 4 mois. D’autres restent emmurés dans leur silence ou font une mine un peu dégoutée. Le contact ne se fait parfois qu’avec les yeux, avec un grand sourire. Cela dépend de l’humeur du jour, le choix de chacun est respecté.
Quand l’animal est bien accepté par l’ainé, c’est le temps de « jaser chien ». Nadia leur demande si eux aussi avaient un chien quand ils étaient jeunes. Rita D’Amours autrefois de Saint-Jean-de-Dieu raconte qu’elle avait, dans son enfance, un chien du nom de Carlo : « C’était un petit chien de poche. Il me suivait partout et était bien malin ».
Au fil des rencontres, on passe des remarques sur les grandes oreilles du chien, sur son poil si doux à caresser. Les pitous se font flatter, cajoler, couvrir de caresses et de bisous. La main tendue, on leur donne un biscuit. Une routine s’installe selon chaque animal, permettant ainsi aux ainés de stimuler leur mémoire, d’améliorer leur motricité tout en verbalisant leurs émotions.
Nathalie surveille les réactions des chiens qui doivent évidemment démontrer un tempérament calme, être sociable, aimer se faire manipuler, ne démontrer ni agressivité ou peur devant de nouvelles situations. Cora se blottit dans le cou de ma mère Marie-Marthe : « Vous vous êtes fait une nouvelle amie! », lance Nadia en riant.
Joie et amour conditionnel
Justine Dupuis, 13 ans, prend part elle aussi aux activités de zoothérapie avec Gaya. Son caniche royal, toute noire aux yeux pétillants, exécute plein de tours, tourne sur elle-même et fait s’exclamer une ainée sur la beauté « de son poil tout frisé ». Quand les thérapeutes canins et humains s’arrêtent dans le salon où plusieurs résidents se retrouvent, les chiens deviennent de véritables vedettes, provoquant une vague d’éclats de rire. Cora distribue sans compter plein de bisous et Gaya se donne en spectacle… avec l’aide de quelques biscuits.
Avec leur joie et leur amour inconditionnel, les chiens apportent un baume réconfortant à ces aînés qui, même confinés à un fauteuil roulant, handicapés ou souffrant de problèmes cognitifs, restent toujours des êtres humains à part entière.