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Ma pelouse est plus verte que la tienne!

Marc Simard, Le Mouton NOIR, Rimouski, septembre 2019

Il est 21 h 54, le mardi 30 juillet. La journée a été à l’image des précédentes : presque suffocante, avec le mercure qui a oscillé entre 26 et 31 degrés. Le silence règne sur ma rue. Le doux bruit de quelques cyclistes tardifs, une voiture toutes les 30 minutes. Un bruit persiste pourtant de l’autre côté de la rue. Une dame, une aînée comme on dit, perce le silence avec son boyau d’arrosage. Elle a le droit puisque la municipalité autorise l’utilisation d’eau pour la végétation un soir sur deux. J’ignore pourquoi, mais je tape du pied. Je sors et m’approche subtilement. Elle n’arrose pas les racines de ses arbres, mais leurs cimes. Elle n’arrose pas son potager, mais son gazon. Misère! Comme si ce n’était pas suffisant, les jours de tonte de pelouse, elle en profite, le soir venu, pour nettoyer son allée de voiture avec le même boyau.

Fin juillet, début août, la municipalité de Rimouski interdit toute forme d’arrosage. Les périodes de précipitations étant rares, plusieurs localités de la province et surtout du Bas-Saint-Laurent commencent à manquer d’eau, on le voit facilement quand on regarde la rivière Rimouski par exemple dont le niveau est extraordinairement bas. Les agriculteurs et les agricultrices se rongent les ongles. Et pour couronner le tout, les températures avoisinent les 30 degrés régulièrement. Même le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation du Québec lance une campagne de sensibilisation à l’utilisation de l’eau potable.

Vendredi 30 août 22 h 30… alors qu’il a plu pendant plusieurs minutes quelques heures auparavant, le manège reprend de plus belle sur la rue Vanier. Mon cœur se serre rien qu’à regarder l’insouciance de cette voisine.

Comment cette dame peut-elle ne pas savoir ce qui se passe dans sa ville, mais aussi sur sa planète?

La consommation moyenne d’eau d’une résidence de quatre personnes est de 350 litres par jour. Or, uniquement avec son boyau, Madame la jardinière dépense 18 litres par minute soit 1 080 litres à l’heure. Comme elle arrose pendant deux heures quatre fois par semaine, elle dépense 8 600 litres par semaine!

Depuis, le lancement de la Stratégie québécoise d’économie d’eau potable en 2011, la quantité d’eau distribuée par personne au Québec a diminué de 26 % par rapport à l’année 2001. Ainsi, grâce aux actions mises en place dans plus de 600 municipalités, l’objectif de réduction de 20 % de la quantité d’eau distribuée par personne a été dépassé. Afin d’outiller les municipalités et les propriétaires d’immeubles dans leurs démarches d’économie d’eau, l’installation de compteurs d’eau est en cours dans plusieurs municipalités et devrait atteindre plus de 90 % des immeubles non résidentiels québécois.

Depuis, Québec a lancé sa Stratégie d’économie d’eau potable1 dont les trois objectifs pour l’ensemble du Québec sont la réduction de 20 % de la quantité d’eau distribuée par personne par rapport à l’année 2015; l’atteinte d’un niveau de fuites modéré; l’augmentation progressive des investissements nécessaires pour réaliser le maintien d’actif de façon pérenne tout en éliminant graduellement le déficit d’entretien.

Je ne suis jamais allé parler à ma voisine de sa surconsommation d’eau. Dans l’ensemble, elle respecte les règlements municipaux. Il faut admettre cependant que, dans certains cas, et vous ne m’entendrez pas dire ça souvent, les lois ne sont pas assez sévères!

 

1. Ministère des Affaires municipales et de l’Habitation, Stratégie québécoise d’économie d’eau potable.

Horizon 2019-2025, gouvernement du Québec, 2019, 54 p., www.mamh.gouv.qc.ca.