Du parc du Bic, de la Sépaq et d’une vision trouble de la nature

Louise Keable, Le Mouton NOIR, Rimouski, juillet-août 2019

Un choc : un panneau qui annonce le développement du Tombolo, le cœur du parc du Bic, comme on annonce un projet de développement domiciliaire.

Les changements apportés dans le parc du Bic depuis un an (mais enclenchés depuis plusieurs années) font réagir les gens de la région, ou d’ailleurs, concernés par la conservation de la nature.

Ce petit parc a vu ses espaces naturels rognés année après année par des stationnements, des campings et des chalets de toutes dénominations. Les activités et « l’expérience client » y ont la cote. Cependant, la capacité d’absorption des visiteurs dans l’espace du parc a dépassé des limites de telle sorte qu’on a plutôt la sensation d’être sur une base de plein air ou dans un parc municipal. Les déplacements automobiles y sont favorisés au détriment d’une vision plus moderne privilégiant les déplacements à pied, à vélo, en ski de fond et en raquettes et peut-être, l’été, par petits autobus électriques rendant le centre du parc facilement accessible. Mais développement d’infrastructures d’hébergement et aménagements de toutes sortes obligent. Même si on avait promis lors des expropriations que cet espace ne deviendrait pas un lieu d’hébergement touristique. Même si, à cette époque, on nous demandait de ne pas marcher sur les mousses aujourd’hui devenues stationnements et campings.

Lorsqu’on interpelle la Sépaq à ce sujet, on nous répond que c’est la clientèle qui en demande. Qu’on a prévu des corridors verts pour le déplacement des animaux!

Cette approche clientéliste influence de façon très visible l’aménagement d’un parc comme celui du Bic.

Plus globalement, les parcs (contrairement aux réserves fauniques, pourvoiries, bases de plein air, terres de la couronne et territoires privés) ne devraient-ils pas demeurer des lieux « naturels » avec le moins d’empreintes humaines possible? L’hébergement, pour les parcs situés près de villes et de villages, ne devrait-il pas être laissé aux communautés environnantes et représenter un apport pécuniaire significatif?

Trop tard pour réparer les erreurs commises? Possible de cesser de les multiplier?

La nature n’est pas un décor. Les parcs devraient être vus comme des sanctuaires dans lesquels on entre sur la pointe des pieds. Des lieux de conservation, de contemplation. Des lieux pour être, pour comprendre autre chose, autrement. Derniers bastions d’une nature malmenée par l’appétit humain de facilité, de confort, de stimulation.

Autres lectures pour nourrir cette réflexion :

Louis Hamelin, « Les premiers grizzlis », Le Devoir, 8 juin 2019 :   « […] la grande faune , celle qui fait rêver, mais qui se retrouve de plus en plus à l’étroit dans les parcs nationaux où la conduit sa traque d’amour et que menacent les inévitables marées de touristes capables de réduire les derniers territoires vierges à autant de terrains de jeu »

Simon Diotte, « Ça suffit, les inukshuks », L’actualité, 10 avril 2019.