Photo : Gilles Simard

Un jour, je me suis dit : Plus jamais, le suicide…

Gilles Simard, La Quête, Québec, juin 2019

La plupart des histoires de rétablissement ne sont pas nécessairement « spectaculaires » au point de faire les manchettes, mais les personnes qui les vivent n’en sont pas moins des championnes toutes catégories, à mes yeux… Tel est le cas de Caroline, 44 ans, bâtie sur un « frame » de chat, mais dotée d’un cœur de lionne, qui, après huit tentatives de suicide et autant de psychoses, a fini, un jour, par s’écrier : « C’est assez !… Je ne veux plus vivre cette souffrance-là… Plus jamais je ne déciderai du jour de ma mort. »

Ce revirement crucial s’est produit, en 2012, alors qu’elle suivait une thérapie pour un trouble de personnalité limite (TPL), au Centre de traitement le Faubourg Saint-Jean, à Québec. Depuis, et c’est tout à son honneur, car grâce à ses courageux efforts, à sa persévérance, et aussi à son mode de vie basé sur les douze étapes, Caroline mène une vie beaucoup plus heureuse, avec notamment son chum Carl, sa famille et ses amis. Même si elle doit encore composer avec une certaine anxiété quotidienne, elle n’a plus jamais souffert de l’obsession de mourir et elle peut dorénavant se consacrer à aider les autres, en plus d’exploiter ses multiples talents artistiques dans divers projets.

 

Le syndrome du *Moi*-*Moi*-*Moi*

N’empêche, et même si ça fait cliché, force est d’admettre que Caroline ne l’a pas eu facile… Deuxième, avec sa sœur jumelle Dominique, d’une petite famille de trois, l’adolescente vivait une profonde détresse intérieure qui l’affligeait du syndrome du *Moi*-*Moi*-*Moi* : « J’avais un besoin d’amour et d’attention démesuré, dit-elle, faisant que je prenais toute la place. Le silence me faisait mal et ça me portait à parler beaucoup. C’était *Moi*-*Moi*-*Moi*, et quand ça ne faisait pas mon affaire, je piquais des colères… »

Violée à l’âge de quinze ans, la jeune femme se voit à nouveau trahie, quatre ans plus tard, alors qu’un nouveau chum « bienveillant » lui fait avaler de force une tablette de LSD durant une soirée bien arrosée. Caroline fait alors un *freak out* et, dans son délire mystique, elle voit apparaître la mort sous les traits de sa sœur Dominique… Simple *bad trip* ou prémonition, toujours est-il qu’un an plus tard, après qu’elle eut connu (entre-temps) un premier épisode psychotique, elle apprend le décès, pour de vrai, de sa sœur jumelle Dominique dans un accident de voiture. Le choc est puissant, et pendant des années, Caroline, qui souffre d’une dépendance à l’alcool, se consacre (par le biais des AA) à sensibiliser les jeunes au problème de l’alcool au volant.

 

Ma plus grande réussite…

À 25 ans, Caroline connaît un deuxième épisode de psychose, un vrai celui-là, et le cycle psychose-hospitalisation-dépression-toxicomanie-suicide s’enclenche pour de bon, et ce, jusqu’à sa dernière tentative, en 2012, alors que le médecin parle même de lui faire une greffe du foie. Heureusement, la santé lui revient, et Caroline prend, durant sa thérapie, la salutaire décision que l’on connaît.

Cela dit, même si dans les sept dernières années, elle n’a pas grimpé l’Everest, gagné un marathon ou décroché un doctorat, son parcours n’en est pas moins exemplaire et digne de mention. « Ma plus grande réussite, confie Caroline, c’est d’être passé du stade de la phobie sociale sévère à une anxiété de modérée à légère… Maintenant, je peux mener à bien mes projets artistiques, avoir une belle relation avec mon chum, mes amis et ma famille, et surtout, je peux enfin aider les autres », assure celle qui se dit très fière du chemin parcouru, même si elle vit encore des périodes d’angoisses, et même si elle n’est pas encore pleinement disposée à réintégrer le marché du travail.

À cet effet, un des projets de Caroline, outre d’écrire son livre, est d’ouvrir sa propre friperie, où elle pourrait vendre non seulement ses créations textiles et artistiques (Coco-Oiseau), mais aussi les très jolies photos de son chum Carl.

 

Ne vous isolez pas

Enfin, celle qui a maintenant acquis, depuis 7 ans, une bonne stabilité émotive et une abstinence durable déclare joyeusement : « Je ne sais pas ce qui va m’arriver, mais j’ai pleinement confiance… De grâce, dit-elle pour ceux-celles qui vivent actuellement une passe suicidaire, ne vous isolez pas des gens qui vous entourent, car ce sont ces gens-là, ceux qui vous aiment, qui pourraient vous sauver la vie, un jour! »

Merci, Caroline. Chapeau à une championne!