Roger Lafrance, Journal Mobiles, Saint-Hyacinthe, mai 2019
Ils forment à eux six une joyeuse pagaille. Certains ont étudié en production horticole, l’une est sociologue, un autre plombier, et un autre encore s’est orienté vers la création littéraire. Malgré leurs horizons différents, ils ont tous envie d’une agriculture différente, hors-norme, qui leur ressemble.
C’est ainsi qu’ils ont fondé, en 2017, la coopérative La Pagaille. L’an dernier, ils ont produit 12 paniers de légumes, principalement pour des parents et amis, question de tester leurs connaissances et leurs méthodes de production. Cette année, leur production grimpera à 33 paniers, en plus de la vente de légumes à leur kiosque à la ferme et aux Matinées gourmandes à travers la MRC.
« Nous en sommes encore à l’étape de laboratoire, prévient Raphaël Hébert. Nous sommes encore trop petits pour l’ampleur de ce qu’on veut atteindre. Pour nous, c’est encore le temps où on peut faire des erreurs et expérimenter. »
Ils rêvent de faire une agriculture qui réponde à leurs valeurs. Leur production ne sera pas certifiée biologique, mais ce sera tout comme. Leurs légumes seront produits sans engrais ni pesticides de synthèse, de façon non mécanique. Ils adoptent la méthode de la culture maraîchère bio-intensive, telle que préconisée par le producteur et auteur bien connu Jean-Martin Fortier, des Jardins de la Grelinette.
« Les produits biologiques ne sont pas toujours écoresponsables, souligne M. Hébert. Ceux vendus en épicerie peuvent venir du Mexique et être produits par des gens sous-payés. Nous, ce n’est pas notre philosophie. On mise sur une agriculture de proximité. »
Au fil des années, les six jeunes agriculteurs ont tout de même vécu plusieurs expériences liées à l’agriculture : stages de formation dans des fermes maraîchères ou expérimentales et gestion de jardins collectifs. Ils désirent faire une agriculture qui respecte l’environnement, variée et à taille humaine. C’est d’ailleurs ce qui les a amenés à fonder une coopérative de travail.
« On voulait être sur le même pied d’égalité, explique Camille Perron. Lorsqu’on sera à l’étape de grossir, on voudra que La Pagaille puisse maintenir une forme d’équité entre nous tout en gardant l’échelle humaine. »
Les jeunes producteurs ont aussi choisi des semences patrimoniales, question de produire des légumes différents et de favoriser la biodiversité. Ils ont même le souci de réutiliser des matériaux existants, allant jusqu’à demander à leurs clients d’apporter leurs sacs pour les légumes.
Rêveurs ? Sans aucun doute. Mais les valeurs qui les animent sont partagées par de plus en plus de gens. À preuve : les 33 paniers de cette année ont été réservés en quelques jours seulement, ce qui fait mentir ceux qui croient que l’agriculture bio ne peut rejoindre que les habitants des grandes villes.
« On dit souvent que notre région est le jardin du Québec, rappelle Raphaël Hébert. Pourtant, 85 % de nos champs en culture sont destinés aux porcs dont la majorité est exportée. On peut faire en sorte de nourrir notre monde en changeant notre modèle d’agriculture. »
Leurs premiers légumes seront disponibles à partir de la fin juin. Ceux qui n’ont pas réussi à s’inscrire à temps à leurs paniers de légumes pourront se reprendre à leur kiosque à la ferme, au 876, rang de la Presqu’Île, à Saint-Pie, ou aux Matinées gourmandes.