Majela Simard, Le Mouton NOIR, Rimouski, mars-avril 2019
Au cours de la dernière année, la municipalité de Saint-Simon, au Bas-Saint-Laurent, a été particulièrement présente dans l’actualité régionale. Certains dossiers comme l’implantation d’un centre communautaire, les modes de gouvernance des élus municipaux et la fermeture de la caisse ne semblent pas faire l’unanimité parmi les citoyens. La municipalité a aussi misé sur l’aménagement pour favoriser son développement. Quel bilan peut-on faire du développement à Saint-Simon?
Force est d’abord de reconnaître que la municipalité de Saint-Simon se démarque, depuis quelques années, par une amélioration de son cadre bâti. Plusieurs édifices et maisons ont été rénovés alors que de nouvelles installations (parc, centre communautaire, marché public) se sont ajoutées, ce qui témoigne d’un certain dynamisme. L’implication d’un groupe de citoyens pour assurer la sauvegarde du patrimoine religieux s’inscrit dans le sens de ce dynamisme. Toutefois, en dépit de ces efforts, la construction de nouvelles maisons est demeurée au ralenti au cours des 25 dernières années. Selon les données de Statistique Canada, seuls dix nouveaux logements auraient été construits entre 1991 et 2016. Si la présence d’un parc ou d’un centre communautaire peut avoir des effets positifs sur la qualité de vie des résidents, leurs impacts en termes de création d’emplois, d’économies d’échelle ou d’augmentation du niveau de vie s’avèrent plutôt limités, d’autant plus que le Bas-Saint-Laurent dispose déjà de parcs de renommée provinciale, dont un situé à quelques kilomètres à peine de Saint-Simon.
La situation géographique de Saint-Simon offre à la fois des avantages et des inconvénients. Parmi ce qui peut être un frein au développement, mentionnons l’éloignement de la municipalité par rapport aux villes de Rimouski et de Rivière-du-Loup, qui ne sont pas en mesure de polariser leurs activités économiques à travers toute la MRC des Basques. Une autre difficulté est attribuable au fait que cette même MRC vit une très forte dévitalisation tant sur les plans démographique qu’économique, qui se répercute négativement sur l’ensemble du territoire. Par ailleurs, Saint-Simon profite d’un avantage comparatif indéniable puisqu’elle est une des seules municipalités bas-laurentiennes à ne pas être contournée par l’autoroute 20 ou la route132, ce qui entraîne un flux de circulation très intense au sein du village, particulièrement en été. Un tel atout constitue un potentiel de développement incontournable dont Saint-Simon pourrait tirer profit si la localité possédait un produit touristique distinctif. La proximité du fleuve constitue aussi un avantage comparatif propre à Saint-Simon.
Portrait statistique
Sur le plan économique, Saint-Simon a connu une période d’embellie entre 2006 et 2016. Toujours selon Statistique Canada, la localité se serait enrichie de 40 nouveaux emplois au cours des dix dernières années alors que la MRC en perdait 105. Cependant, une analyse fine des données indique que ces emplois semblent détenus à l’extérieur de la municipalité. La forte augmentation du taux de migrations pendulaires, c’est-à-dire la proportion de la population active qui travaille à un endroit, mais qui réside à un autre, corrobore le fait que ces emplois ont été créés à l’extérieur de la localité. Ce taux est effectivement passé de 51 % en 2006 à 75 % en 2016. De plus, le taux de chômage demeure très élevé dans la municipalité, il est supérieur à 20 % depuis plus de 10 ans.
La municipalité de Saint-Simon est confrontée à de nombreux défis démographiques qui handicapent son développement. Entre 1981 et 2016, sa population a décru de 29 %. Au cours de cette même période, le nombre de jeunes âgés de 0 à 24 ans est passé de 270 à 80, une diminution de 70 %. Comme la localité de Saint-Simon est affectée par le vieillissement de sa population, on observe ce qu’on appelle « une déstructuration de sa pyramide des âges ». En 2016, la proportion de jeunes s’établissait à 19 % alors qu’elle était de 45 % en 1981, une diminution de 26 points. Pour leur part, les aînés composaient 31 % de la population en 2016 comparativement à 12,5 % en 1981, une hausse de 18 points. Autre signe lié au déséquilibre des structures d’âges, la cohorte des 25 à 64 ans a enregistré une évolution négative entre 1981 et 2016. Si on suit les 0 à 24 ans en 1981 par rapport aux 35 à 59 ans en 2016, on constate que Saint-Simon affiche un déficit net de 170 personnes, une diminution de 63 %.
Frictions
Sur un plan plus démocratique, le milieu semble en proie à de vives tensions. Plusieurs articles ont mis en exergue les problèmes de communication qui semblent persister entre les élus municipaux et les citoyens. Ces problèmes ont été tels qu’un contribuable a même réclamé la démission du maire dans un article paru dans l’hebdo Info-Dimanche en mai 2018. Le besoin de certains citoyens d’exprimer leurs opinions à partir d’un compte Facebook peut également donner l’impression que la démocratie est mise à mal dans la communauté. Au surplus, en fouillant sur le site du ministère des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire, nous avons pu constater que la municipalité de Saint-Simon a fait l’objet de plaintes au sujet de ses pratiques de gestion. Qu’elles soient fondées ou non, ces allégations ne sont pas de nature à favoriser la concertation et le partenariat, deux conditions essentielles au développement.
Les efforts investis par les acteurs locaux en matière d’aménagement du territoire témoignent d’une volonté d’améliorer les conditions de vie des résidents. Par ailleurs, l’amélioration de la santé économique de Saint-Simon semble imputable à des facteurs exogènes plutôt qu’à des actions émanant du milieu. La décroissance démographique, la composition populationnelle, l’exode et le vieillissement réduisent la portée des initiatives des acteurs locaux. Dans ces conditions, force est d’admettre que les décideurs peuvent difficilement faire contrepoids aux tendances structurelles liées à la démographie et à la géographie. Ils ont néanmoins le pouvoir de mettre en place des modalités de gouvernance et de gestion de conflits qui favoriseraient une meilleure transparence de l’information et qui contribueraient à atténuer les tensions qui persistent au sein du milieu créant, du coup, un climat propice au développement. Enfin, les acteurs locaux ont aussi la capacité de renforcer le capital territorial en vue de favoriser une meilleure valorisation des ressources et ainsi poursuivre leur marche vers le développement.