Photo : Julie Thibodeau

Trouver refuge à Rimouski

Nathalie Landreville, Le Mouton NOIR, Rimouski, janvier-février 2019

En 2017, plus de 25 millions de personnes à travers le monde ont été forcées de fuir brutalement leur pays. Chaque année, le Québec accueille environ 2 000 de ces réfugiés. Pour Julie Thibodeau responsable du programme de jumelage chez Accueil et intégration Bas-Saint-Laurent (AIBSL) : « Ce sont de grandes responsabilités pour nous, mais de toutes petites mesures pour pallier la situation mondiale qui nous dépasse et qui est critique pour beaucoup de familles1. »

 

Trouver refuge

Désignée en 2017 comme une des 14 villes québécoises d’accueil des personnes réfugiées prises en charge par l’État (on ne parle pas ici de parrainage privé), Rimouski a déjà accueilli près de 100 réfugiés : entre autres des Colombiens, des Congolais, des Centreafricains. L’objectif est d’en accueillir 200 sur une période de trois ans. « Les gens qu’on reçoit quittent leur pays parce qu’il y a des conflits, des catastrophes naturelles, des famines, ils perdent tout : travail, maison, membres de familles, et deviennent en quelque sorte des itinérants jusqu’à ce qu’ils soient acceptés dans un camp ou dans une ville de réfugiés : le point de départ pour pouvoir arriver dans un pays d’accueil », explique Danielle Dufresne, présidente d’AIBSL. Le travail d’accompagnement des réfugiés par l’organisme s’échelonne sur une période de cinq ans et vise l’autonomisation : on parle de logement, de première épicerie, de démarches administratives, de recherche d’emplois, d’inscription à la francisation, à la garderie, etc. « On les aide à apprivoiser beaucoup de choses. Le choc culturel et climatique est immense », indique Chantal Dionne, coordonnatrice aux réfugiés.

Si Accueil et intégration Bas-Saint-Laurent veille à accueillir des réfugiés depuis peu, l’organisme travaille au recrutement et à l’accueil des immigrants depuis longtemps. Et parce que la rétention passe par le travail, Mahnaz Fozi, coordonnatrice à l’immigration, de concert avec plusieurs intervenants du milieu, fait beaucoup de sensibilisation auprès des employeurs. Certains d’entre eux se démarquent sur le plan de l’embauche de travailleurs qui arrivent de l’étranger (AMH Canada, PMÉ métallique, Accès Crédit, Dickner, Miralis, Telus, etc.). « Toutefois, on aimerait que la sélection des immigrants soit un peu mieux ajustée aux besoins des entreprises et que les immigrants puissent jouer un rôle dans le développement économique. Présentement, les emplois sont dans la restauration, l’agriculture, mais ce ne sont peut-être pas les spécialités des immigrants », indique Mme Fozi. De plus, selon Danielle Dufresne, « on ne peut pas simplement dire que les personnes immigrantes ne postulent pas, on pourrait être plus proactif pour les inciter à postuler. »

 

Un succès, la francisation?

Bon an mal an, le dossier de l’immigration évolue, mais certaines préoccupations demeurent. Sur 50 000 immigrants qui arrivent annuellement au Québec, jamais plus de 15 000 ne s’installent ailleurs qu’à Montréal. « Ça crée une dynamique très multiculturelle à Montréal, extrêmement différente du reste du Québec avec les défis que cela impose. » Par ailleurs, si Rimouski a l’avantage d’offrir un milieu où on ne peut remettre en doute l’importance de parler français, de manière générale l’offre en francisation au Québec pourrait être plus dynamique. Selon Danielle Dufresne : « Les COFI, qui ont offert jusque dans les années 1990 des cours de français et des services reliés à l’intégration, ont été remplacés par des structures beaucoup moins performantes, et on est depuis à l’échelle provinciale sur une courbe qui descend. À Rimouski, le travail de la Commission scolaire des Phares apporte de bons résultats. Le but du programme est que l’étudiant comprenne la base en français et qu’il acquière des connaissances sur l’histoire du Québec, le droit des femmes, etc., mais le programme n’est simplement pas toujours assez long pour continuer au cégep ou à l’université ou pour occuper certains emplois. » Le point qui achoppe depuis toujours sur le plan de l’intégration concerne la reconnaissance des acquis. « On en parle, dans toutes les campagnes électorales, toutes les réunions, mais ça n’avance pas. C’est le jour de la marmotte. » Danielle Dufresne rappelle un cas éloquent : une dentiste mexicaine qui ne pouvait même pas être technicienne dentaire!

Sur les vues du gouvernement caquiste, les représentantes de l’organisme semblent peu inquiètes. Selon elles, une éventuelle baisse d’immigrants aurait peu d’impact ici. En revanche, en ce début d’année, AIBSL formule des vœux. Et tant qu’à rêver, pourquoi pas à la création de lieux conviviaux comme un endroit où l’organisme pourrait offrir de l’hébergement temporaire ou même ouvrir un café interculturel! Si le travail est le nerf de la guerre pour la rétention des nouveaux arrivants, le bonheur des rencontres compte pour beaucoup dans l’intégration.

  1. Jean-Pierre Pérouma, Mieux se connaître par le regard des réfugiés, octobre 2018, ici.radio-canada.ca.