Nathalie Côté, Droit de parole, Québec, décembre 2018
Quelques centaines de personnes se sont réunies à Sainte-Foy, dans une salle bondée, pour la dernière consultation de la Ville de Québec sur le projet du Phare.
L’enjeu: l’adoption d’un règlement qui permettra à la Ville de Québec de contourner son propre zonage. La vaste majorité des personnes réunies le 21 novembre ont pris la parole pour dénoncer le Phare dont la construction pourrait débuter dès 2019. Les personnes qui ont pris la parole sont indignées que le promoteur ne respecte pas le zonage actuel.
«Pour qui le maire Labeaume travaille? Est-ce qu’il travaille pour ses citoyens ou pour les promoteurs? s’est demandé Hélène Anger, en invitant, du même souffle, les gens de Québec à signer la pétition citoyenne: Non aux tours phare-aoniques dans la ville de Québec.
Zonage parcellaire
Un citoyen a d’ailleurs rappelé les propos du maire Labeaume s’adressant au promoteur du Groupe Dallaire : «Vas-y Michel. Fais-moi quelque chose de beau, on va s’arranger avec le règlement».
La Ville de Québec s’apprête, en effet, à utiliser l’article 74,4 de la Ville pour contourner le PPU (Programme particulier d’urbanisme) adopté en 2012, après de nombreuses consultations. Un PPU qui permet actuellement une hauteur de vingt-neuf étages sur le plateau de Sainte-Foy.
«À quoi bon se doter d’un plan si on y déroge à la première occasion? » a demandé l’architecte Pierre d ‘Anjou, rappelant quelques principes d’architecture: «La construction d’éco-quartier, l’architecture durable et la lutte aux îlots de chaleurs.»
Le résident de Sainte-Foy, François-Richard Legault s’est indigné : «C’est un projet démesuré. Je suis déçu que la Ville fasse du spot zoning (zonage parcellaire), pour un seul promoteur. On devrait réfléchir à la décroissance. Est-ce que c’est l’orgueil humain qui fait qu’on veut construire soixante-cinq étages? Il y a un malaise énorme. Il va y avoir une in-cohésion sociale avec ce projet-là» a-t-il laissé tomber.
Deux ou trois personnes ont pris la défense du projet du promoteur, sans grand enthousiasme, la majorité se demandant plutôt à qui va profiter ce projet. Un projet qui pourrait nuire à d’autres développements «plus organiques» tel que l’a souligné Christian Savard de l’organisme Vivre en ville.
Problème de circulation
Plusieurs citoyens s’inquiètent des problèmes éventuels de circulation routière, tel que l’avait également soulevé, plus tôt cette semaine, le conseiller municipal de Démocratie Québec, Jean Rousseau qui a demandé, en vain, au gouvernement de la CAQ de suspendre le projet pour analyser les problèmes de circulation automobile qu’il pourrait générer.
L’immeuble serait construit sur le boulevard Laurier, près de l’autoroute Henri-IV, non loin des deux ponts de Québec, un endroit où il y a déjà un problème de congestion que la construction éventuelle d’un gratte-ciel ne ferait qu’empirer, selon plusieurs résidents et spécialistes. Le chantier pourrait s’étendre sur dix ans.
Cheryl Ann Degenais du Comité logement d’Aide aux locataires a rappelé que 6 965 ménages locataires de Sainte-Foy paient plus de 30% de leur revenus pour se loger et qu’ils ont besoin de logements sociaux. Elle se demande, à l’instar de plusieurs personnes, pour qui seront les logements du Phare.
Un citoyen a souligné : «Ce projet est désuet, cela me rappelle la tour Montparnasse à Paris. C’est hors de propos en 2018!»
Ces projets d’une autre époque
L’avocat François Marchand rappelle les vents que ce genre de tours génère : «J’exprime mon profond désaccord avec ce projet. Le seul motif qui le justifie, c’est sa hauteur, plus haute que le plus haut des édifices de Montréal. Promenez-vous près du complexe G, du Louisbourg ! » Ajoutant : «Tous les citoyens sont soumis à la règlementation, sauf le Groupe Dallaire »
Marion Marcoux a lancé au promoteur : «Faites-le votre Phare, mais de grâce laissez aux Terres des Sœurs de la Charité leur fonction agricole pour nourrir les gens de Québec, dont vous voulez tant prendre soin!»
Le Groupe Dallaire est à l’origine de deux projets très controversés actuellement à Québec. À la fois le projet de soixante-cinq étages à Sainte-Foy et celui de le «Fondation Dallaire» qui nécessiterait le dézonage des terres agricoles. Ces deux projets participent de la même philosophie qui va à l’encontre du développement durable; des projets qui semblent bénéficier qu’au seul promoteur.