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Plan de conservation : La mobilisation citoyenne s’intensifie

Sylvain Delisle, Autour de l’île, Île d’Orléans, novembre 2018

Il y a presque un an, le ministère de la Culture et des Communications (MCC) dévoilait publiquement son plan de conservation du site patrimonial de l’Île-d’Orléans. Cette annonce était l’aboutissement d’un très long processus de consultation et de tractations politiques. D’un côté, le MCC était heureux d’annoncer avoir pris en considération la majorité des commentaires émis lors des séances de consultation. De l’autre, de nombreux élus et citoyens dénoncent, depuis, le peu d’écoute reçu. Si le nouveau plan de conservation a le mérite d’avoir mis par écrit les normes appliquées par le MCC lors de l’analyse de demandes d’autorisation, l’obtention d’un consensus quant à son application n’a jamais semblé aussi inatteignable. C’est dans ce contexte de mécontentement qu’a pris naissance le mouvement Citoyens du site patrimonial de l’Île-d’Orléans. Au fil des mois, le mouvement a gagné en ampleur et c’est une véritable mobilisation citoyenne qui revendique désormais un site patrimonial humain et vivant.

 

Le manifeste

Présenté pour la première fois à la MRC de L’Île-d’Orléans le 6 juin dernier, le Manifeste pour un site patrimonial humain et vivant est très certainement la pierre angulaire du mouvement. Profitant de la grogne populaire, le mouvement a acquis une force qui s’explique, entre autres, par sa capacité à être inclusif. Tant des défenseurs du patrimoine que certains de ses critiques n’hésitent pas à se rallier derrière le manifeste. Dès le départ, le document énonce que les Orléanais sont conscients de la richesse patrimoniale de l’île d’Orléans et qu’ils veulent en préserver les acquis. Le manifeste va cependant beaucoup plus loin. Au-delà des paysages bucoliques et des trésors architecturaux, l’écrit considère les citoyens de l’île d’Orléans comme faisant partie intégrante de ce patrimoine à protéger. Pour les représentants du mouvement, l’île d’Orléans ne doit pas être gérée comme un décor de cinéma. Les citoyens doivent à la fois être les gardiens et l’âme de cette richesse collective.

 

Diffuser et mobiliser

Quiconque a déjà eu un projet de construction ou de rénovation à l’île d’Orléans sait que le processus d’obtention des autorisations nécessaires à sa réalisation n’est pas chose aisée. Comprendre les règles régissant l’aménagement du territoire de l’île d’Orléans est un véritable puzzle pour les non-initiés. Les municipalités ne sont que la première ligne d’intervenants dans une véritable soupe alphabétique d’acronymes: MRC, MCC, CPTAQ, CMQ. Il est donc facile de s’y perdre ou de se décourager. Afin d’aider les citoyens dans ce dédale juridique, Caroline Roberge, avocate, a tenu trois séances d’information depuis le début de l’été. C’est d’ailleurs à la suite de sa première rencontre que le mouvement citoyen a pris forme. À la fois outils d’information et de mobilisation, les rencontres ont regroupé à ce jour plus de 200 participants. Profitant du momentum créé par les rencontres, le mouvement a également lancé une pétition. Avec en main plus de 1 000 signatures de concitoyens, les représentants du mouvement entendent présenter rapidement la pétition à la nouvelle ministre de la Culture et des Communications, Nathalie Roy.

 

La position des élus de l’île d’Orléans

Tous les élus de l’île d’Orléans ont été sensibilisés directement aux revendications du mouvement citoyen. Toutes les municipalités, à l’exception de Sainte- Famille, ont par ailleurs appuyé le manifeste qui leur fut présenté. Certaines municipalités ont également offert un certain support logistique et monétaire pour l’organisation des rencontres citoyennes.

Plus concrètement, la MRC de L’Îled’Orléans a choisi d’orienter ses actions selon trois grands axes. Selon le préfet, Harold Noël, le plan de conservation est un dossier important sur lequel il n’entend pas reculer. La première action ciblée par la MRC est une tentative par les municipalités de Sainte-Pétronille et de Sainte-Famille d’obtenir une délégation de pouvoir afin de pouvoir gérer au niveau municipal certaines des demandes d’autorisation. Le maire Noël est cependant catégorique que cette délégation ne sera fera pas à n’importe quel prix; il insiste sur le fait qu’elle devra s’accompagner d’une reconnaissance des droits acquis et des compétences municipales en matière d’aménagement.

Afin de dénouer une certaine impasse administrative, le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation (MAMH) a entériné le schéma d’aménagement de la MRC, même si les maires refusaient d’y inclure le plan de conservation. Accompagnant son acceptation, le MAMH a fait la proposition d’agir comme intermédiaire dans la tenue de discussions visant à rapprocher la MRC et le MCC dans leur différent. Ayant accepté l’invitation du MAMH, la MRC continue par cette deuxième action à chercher un terrain d’entente afin de faciliter l’application du plan de conservation.

 

Finalement, la MRC procédera à l’embauche d’une firme de communication. En raison de la complexité du dossier, la MRC juge pertinent de s’assurer qu’une information adéquate est diffusée aux citoyens.

 

Questionnée quant à l’implication des municipalités et de la MRC dans le dossier, Mme Roberge a qualifié leur intervention de complémentaire tout en remerciant les municipalités pour leur soutien. Afin d’illustrer son propos, elle a comparé leurs actions respectives à deux bateaux qui voguent dans la même direction. Certains intervenants n’ont cependant pas manqué de souligner que le bateau citoyen prenait de la vitesse. Quoi qu’il en soit, les eaux semblent encore troubles et l’arrivée à bon port encore bien lointaine.

 

NDLR : Caroline Roberge est administratrice et présidente d’Autour de l’île.