Le Bâtiment 7 veut fabriquer de l’autonomie collective

Camille Teste, L’Itinéraire, Montréal, le 1er octobre 2018

Utopie devenue réalité, la Bâtiment 7 est un entrepôt montréalais transformé en centre autogéré, qui a longtemps été la propriété du Canadien National. Aujourd’hui, il accueille une multitude de projets créatifs et manuels. L’objectif : pousser les citoyens à se réapproprier un espace et des savoir-faire.

Il aura fallu plus de dix ans aux membres têtus du collectif « 7 à Nous » pour obtenir une bonne fois pour toute la propriété de ce vestige industriel de 90 000 pieds carrés. Dix années de combat acharné pour faire naître ce lieu hors-norme, expérimental et prometteur. Aujourd’hui, seule une petite partie est exploitée. Le reste doit encore être retapé, nettoyé, désamianté et mis aux normes. Mais déjà, le lieu fourmille d’idées, d’ateliers, de drôles d’objets et de gens de passage.

Lorsque nous y allons, vers 17 h un soir de semaine, il y a foule. Aux Sans-taverne, le bar-brasserie du « B7 », il n’y a pas une table pour s’assoir. Le lieu est pris d’assaut par un public hétéroclite. Il y a des néo-hippies, des femmes chics en talons, deux ou trois hommes en costumes, quelques familles, des vacanciers. On parle plusieurs langues.

La bière, brassée sur place dans une pièce située juste derrière le bar, a le goût de Pointe-Saint-Charles. Le goût de ceux qui ne lâchent rien, surtout pas leurs idéaux.

 

Autour du bâtiment

Pour se rendre compte de l’étendue du projet, il faut faire le tour de l’entrepôt. Un petit potager habille la façade qui se situe au sud. Juste en face, un terrain vague accueille quelques meubles et tapis de récupération. Ils ont été installés par un itinérant du quartier qui voulait apporter sa contribution. Sorte de salon d’été, le lieu a un peu l’air d’un espace branché du Mile End.

À l’arrière, cachées de tous, on trouve quelques ruches. Juste à côté, une quantité de gravats rappelle que le lieu est encore en pleine mue. En continuant en direction de la façade nord, on aperçoit une énorme caisse en bois qui abrite des grillons d’élevage. Comestibles, ils se mangent rôtis ou en farine. Ils ne sont pas là par hasard : parce que leur production génère bien moins de gaz à effet de serre que l’élevage de bêtes traditionnelles, ils sont considérés comme les protéines du futur. De quoi plaire à l’équipe du lieu, elle qui veut donner l’exemple et repenser l’avenir.

Encore quelques pas et c’est l’entrée du garage communautaire. Ici, ceux qui le veulent peuvent travailler eux-mêmes sur leur véhicule. Notre passage est bref : une jeune femme, en plein exercice de mécanique, n’a pas le temps de jaser.

 

Reprendre le contrôle de son alimentation

Retour à l’entrée. On s’arrête au Détour, l’épicerie du Bâtiment 7. En apparence, elle a tout d’un commerce de quartier classique. Lise Ferland, bénévole à la caisse, nous explique le contraire : ici, ce sont les citoyens qui font tourner la machine. « L’épicerie fonctionne grâce à ses membres, qui sont environ 185 pour le moment. Chacun doit faire trois heures de bénévolat par mois. »

Le système présente au moins deux avantages. « C’est une manière d’économiser la main-d’œuvre et donc de proposer des prix bas, mais aussi de garder un œil sur ce que l’on vend ici », explique cette retraitée, impliquée dans le combat du B7 depuis plusieurs années. Dans les rayons, on trouve des produits variés, mais pas toujours locaux, ni forcément biologiques. L’équipe voudrait mieux faire, mais pas à n’importe quel prix. « On ne veut pas être une épicerie de niche. Au contraire, on veut que tout le monde puisse se nourrir correctement. On a des clients qui ont de l’argent et d’autres qui en ont moins. » Succès garanti, dans un quartier populaire qui, jusqu’alors, avait tout d’un désert alimentaire.