Lynda Dionne, Épik, Cacouna, septembre 2018
Cet été, l’événement Deux nations, Une Fête a rendu hommage à un artisan de Cacouna, un « gosseux » comme disent certains. Avec l’exposition du grand chapiteau, plusieurs personnes ont découvert que Félicien Lévesque a été un sculpteur d’une grande imagination que le quotidien inspirait. Il a produit plusieurs de ses œuvres avec seulement un canif comme outil et des bouts de bois. Certains visiteurs se rappelaient de lui et de son sens de l’humour qu’il traduisait si bien dans ses petits personnages et ses animaux insolites. Il avait souvent des histoires à raconter sur chaque personnage qu’il fabriquait.
Ce sculpteur de Cacouna a fait connaître son village par ses œuvres, particulièrement ses fameux bonshommes souvent taillés dans une seule pièce de bois avec des bras mobiles, sans oreilles, mais avec un nez triangulaire. Monsieur Lévesque a marqué l’art populaire du Québec. Il a aussi été reconnu: plusieurs musées au Canada et aux États-Unis, ainsi que de nombreux collectionneurs, ont acquis de ses œuvres. En plus de ses sculptures de personnages, l’artisan Félicien Lévesque représentait à sa façon des scènes sportives (hockey, football, etc.), des groupes de musiciens, des danseurs, des gens en promenade, des événements dramatiques comme le naufrage de l’Empress of Ireland, des bateaux avec leurs équipages, l’arche de Noé, des avions comme le Spirit of St. Louis avec leurs passagers et bien d’autres choses.
Né en 1916 à L’Isle-Verte, monsieur Lévesque s’est établi à Cacouna avec son épouse Lilianne Côté afin d’élever leurs huit enfants. Au coeur du village, la maison de la famille Lévesque était facilement reconnaissable avec sa clôture, son grand jardin et son parterre parsemés de personnages et d’animaux surprenants. Les touristes, souvent américains, qui faisaient le tour de la Gaspésie, intrigués, s’arrêtaient chez lui et achetaient ses œuvres. Certains même revenaient et s’en procuraient en grande quantité pour les revendre.
Dans les décennies 1960-70, je me souviens d’avoir été lui rendre visite quelques fois, puisque j’étais amie avec sa fille Ginette. Une fois, monsieur Lévesque m’invita à voir ce qu’il venait de sculpter. Nous sommes alors descendus au sous-sol de sa maison. Un endroit inoubliable! Sur de longues tablettes, une multitude de personnages, d’animaux de toutes sortes, de toutes grandeurs et très colorés étaient placés de façon bien ordonnée. Monsieur Lévesque me montra alors un personnage qu’il fit danser, puis me raconta l’histoire de son «gigueux » de bois. C’était étonnant!
Pendant tout l’hiver, Félicien Lévesque passait son temps à sculpter. Même l’été, s’il avait une minute, il sortait son canif et « gossait » un morceau de bois. D’ailleurs, au cours de sa vie, il a usé plus d’un couteau. Mécanicien pour la Bell Peat Moss de Cacouna pendant de nombreuses années, il réparait et ajustait leurs machines. En attendant le rodage des appareils, il sculptait un morceau de bois et, en un rien de temps, un personnage apparaissait. À sa retraite et jusqu’à quelques années avant son décès en 2001, des collectionneurs d’art populaire venaient chez lui pour acheter ses œuvres. Cet artisan renommé était très habile de ses mains. Il récupérait divers matériaux, comme des bouts de cuir, des courroies de caoutchouc, des morceaux de métal de tout genre et autres pour créer des sculptures étonnantes. Ce «bagosseux» fit entre autres des petites voitures fonctionnant avec un moteur, et même un orchestre de musiciens en bois qui s’animait.
Lors de cette exposition, nous avons eu le plaisir de voir et revoir ces sculptures, grâce aux membres de la famille Lévesque qui ont bien voulu prêter les œuvres qu’ils gardent en souvenir de leur père et grand-père. Un merci spécial à son fils Claude et à son petit-fils Raphaël qui se sont impliqués pour cette présentation-hommage. Également, nous sommes reconnaissants aux collectionneurs Michel Asselin et François Pelletier pour nous avoir permis de montrer quelques œuvres de leur collection de ce sculpteur de chez nous.
Sources bibliographiques :
Blanchette, Jean-François, Du coq à l’âme – L’art populaire au Québec, Presses Université d’Ottawa, collection Mercure, Ottawa, Février 2014, 322 p.
Corcoran, Frank et Victor Rabinovitch, Trésors du musée Canadien des civilisations et du Musée canadien de la guerre, Musée Canadien des civilisations, Ottawa, Octobre 2012, 168 p.
Levasseur, Adrien, Sculpteurs en art populaire au Québec, Les Éditions GID, Québec, 2008, 244 p.
Folk Art Finder, Volume 5, no 2, May/June, July/ August 1984, Félicien Levesque, pages 4-6. Témoignage : Claude Lévesque