Nicole Bédard, Autour de l’île, Île d’Orléans, août 2018
«100 ans, ce n’est pas rare aujourd’hui», disait madame Pauline Lapointe Gagnon, alors qu’on s’apprêtait à souligner son anniversaire de naissance. Pour cette occasion spéciale, le dimanche 29 juillet 2018, il y avait de la joie dans l’air à la résidence du Centre d’hébergement Alphonse-Bonenfant, à Saint-Pierre-de-l’Île-d’Orléans où elle réside. À leur arrivée, les membres de sa famille et des amis l’entouraient de leurs marques d’affection. Son époux, décédé il y quatre ans, s’appelait Gérard Gagnon. Ils ont eu quatre filles et trois garçons, cinq petites-filles et six arrières-petits-enfants. Ils ont exploité une ferme avec vaches laitières à Saint-Pierre. Avant son mariage, elle a enseigné à Saint-François et à Saint-Pierre, pendant sept ans.
Madame Pauline a tenu son journal tout au long de sa vie; nous pouvons en goûter ici quelques extraits. Il représente un trésor d’écriture qui permet à la famille de retracer des événements et des réflexions sur le vécu de leur mère et sur leur histoire. Sa fille Gisèle en avait choisi quelques bribes dans le but de les partager pendant le repas. À propos de sa venue au monde, le 29 juillet 1918, à Montréal, elle racontait: «Ne pensez pas que les autres frères et sœurs attendaient cette naissance. Vous comprenez bien qu’en ce temps-là, les jupes larges et longues de maman Maria avaient caché le mystère.»
En 1931, elle a dû quitter sa ville natale. «Voilà le départ pour l’île d’Orléans; on a fait le trajet en bateau. C’était une autre adaptation; ma mère a pleuré souvent, souvent. J’étais en 5e année, je venais d’avoir 13 ans en juillet.» On constate qu’elle a su apprécier sa vie sur l’île, car plus tard, en 2001, elle l’exprime ainsi: «En regardant le soleil baisser, j’admirais les couleurs diverses qui passaient devant moi, on aurait dit un ruban multicolore qui se déroulait inconsciemment. Moi, je me disais, il y a tant de personnes qui ne perçoivent pas les beautés de la nature. Je pense à bien des choses, je suis en santé.» Et en 2003, elle ajoute: «J’aime être ici, j’ai tant de gens qui me tiennent à coeur: mon mari, mes enfants, mes petites-filles, mon arrière-petit-fils. Tout, tout.»
Elle écrivait non seulement ses propos à elle, mais aussi ceux de son mari en spécifiant bien que c’est «Gérard qui se raconte». On y apprend, par exemple, qu’en 1942, alors que le printemps avait été froid, on avait dû démolir la vieille grange pour en construire une neuve, que les vaches avaient dû rester dehors et que deux d’entre elles sont mortes après leur vêlage, à cause du froid. Parfois, il lui arrivait de souligner des événements qui font partie de la petite histoire de l’île, dont, entre autres, les noms de ceux qui ont eu leur première automobile à Saint- Pierre.
Une invitation à prendre le temps
Et ces mots nous disent qu’elle n’a pas oublié d’apprécier tout ce temps qu’il lui a été donné de vivre: «Prendre le temps de regarder voler un oiseau, prendre le temps de sourire à un inconnu, prendre le temps de voir pousser les arbres, les fleurs, le jardin. Prendre le temps d’aider quelqu’un, prendre le temps d’écouter l’autre. Prendre le temps de voir le soleil, la lune et les étoiles, prendre le temps de dire merci et s’il vous plaît. Prendre le temps de parler à Dieu.»
En ce jour de ses 100 ans, on lui demandait: «Qu’est-ce que vous avez aimé le plus dans votre vie?» Elle répondit: «Les bébés, nourrir mes enfants.» À notre tour de lui dire merci d’avoir bien voulu partager des secrets de son cœur et ces quelques moments de sa fête si bien préparée par ceux qu’elle aime. Nous lui disons merci pour toutes ces années consacrées à sa famille, aux enfants à qui elle a enseigné et à ceux qui ont bénéficié de ses services comme bénévole au Comptoir de partage.