La comédienne Pascale Montpetit, Richard, un participant et Jo Redwitch. Photo : Mario Alberto Reyes Zamora

Des survivants d’actes criminels se racontent : S’en sort-on vraiment ou apprend-on à vivre avec?

Jo Redwitch, camelot métro McGill, L’Itinéraire, Montréal, le 1er août 2018

Le Centre de services de justice réparatrice de Montréal (CSJR) a organisé une soirée à la suite d’un atelier d’expression et de créativité appelé l’Art libérateur. La mission de cet organisme permet à des personnes touchées par un acte de violence de reprendre du pouvoir sur leur vie. Parmi les activités offertes, Véronique Marcotte, auteure et animatrice, a aidé des participants à écrire une lettre à leur offenseur.

Ce soir-là, l’atmosphère était chargée d’émotions, les sourires étaient hésitants, les voix avaient un trémolo fragile, tous étaient sous tension. Les témoignages étaient à la fois touchants et difficiles à entendre. Des larmes ont été versées par tous ces passés déterrés, ces secrets dévoilés. Inceste, abus, viols ; des mots forts pour des vies troublées et parfois même brisées.

Mathieu Lavigne, bénévole du CSJR, a fait une entrée en matière de la soirée en nous faisant écouter une vidéo de Céline Bonnier, porte-parole de la Semaine des victimes et survivantes d’actes criminels. La comédienne amorce avec : « S’en sort-on vraiment ?… ou apprend-on à vivre avec ? » Elle répond à sa propre question en affirmant : « Clairement on le sait ! L’art sert à redessiner, revoir, interpréter ce que tu as subi, ce que tu as fait subir ou ce que tu as vécu ; et la façon de voir l’être humain en général ».

Puis un participant lit un extrait de sa lettre devant l’assemblée : « Maman, pourquoi m’as-tu laissé entre les mains de papa ? Je n’avais que trois ans… » On peut deviner la suite. L’inceste vécu dans le secret est un poids lourd à porter. Ce n’était pas facile, mais malgré tout, la narration des lettres des participants a permis de tracer un chemin vers la guérison. Presque tous ont pu livrer à cette audience leurs secrets gardés depuis des années, voire même des décennies.

 

Filet de sécurité

Présents lors de la soirée, les comédiens Pascale Montpetit et Normand D’Amour ont été en quelque sorte le filet de sécurité pour deux survivants qui ont été dans l’incapacité émotionnelle de lire leur lettre. Ils ont donc agi comme interprètes. Ils ont tous les deux été très éloquents, on pouvait ressentir la souffrance des victimes à travers la voix de ces deux comédiens d’expérience.

Pascale explique d’ailleurs que la cause l’a particulièrement interpellée. « C’est à l’invitation de Véronique Marcotte que j’ai choisi de m’engager dans cet atelier. Moi, tout ce qui a trait à la réparation des torts, ça vient me chercher, dit la comédienne. Je trouve ça beau, moi, des gens qui veulent se réparer. Mais ils ne peuvent pas faire ça tout seuls. La force du groupe aide énormément ! »

Beaucoup de larmes ont été versées au cours de cette soirée mais que de cœurs soulagés d’être entendus, validés et reconnus. Il s’avère d’une importance capitale pour nous les victimes de pouvoir enfin être délivrées devant témoins de ces actes qui laissent des traces indélébiles. Il n’en demeure pas moins que le pardon n’est jamais totalement fait, mais cette démarche nous apprend jour après jour à vivre avec ce passé indéniable et troublant.

 

Ma démarche

Quant à moi, oui, j’ai survécu à une tentative de meurtre de mon ex-mari il y a presque 10 ans. J’ai certaines incapacités physiques et intellectuelles depuis ce temps. Je ne me sortirai jamais complètement de mes douleurs physiques et mentales, mais je dois maintenant faire le deuil de ma vie d’avant en posant des actions concrètes pour m’en sortir.

C’est au milieu de la soirée que j’ai pris conscience que je n’étais pas seule dans cet état. Je n’étais qu’une parmi tant d’autres. Cela m’a donné l’impression de connaître ces personnes qui étaient pourtant de parfaits inconnus. C’est dans la sérénité que j’ai quitté le groupe ce soir-là. Je me suis dit que j’avais fait un autre pas de plus, vers la paix de mon âme. J’ai aussi entamé ma démarche au pénitencier de Laval, je dois finir mon face à face avec un détenu violent d’ici quelques semaines alors je ne manquerai pas de vous en donner des nouvelles dans un prochain article. Merci aux comédiens Pascale Montpetit, Normand d’Amour et Céline Bonnier et à Véronique Marcotte qui se sont ralliés à la cause. Merci à tous ceux qui croient en ce processus et qui s’impliquent dans la justice réparatrice, à la restauration des cœurs.