Bruno-Alexandre et son père Bertrand Duguay

Bruno-Alexandre, toujours debout

André Lachapelle, Le Lavalois, Sainte-Brigitte-de-Laval, juin 2018

Le 29 juillet 2010, la vie de Bruno-Alexandre Dion Duguay a basculé. Un accident de la route survenu au nord de l’avenue Sainte-Brigitte l’a plongé dans un coma qui a duré deux semaines. À son réveil, le verdict est tombé : sa moelle épinière est touchée, il est paraplégique. Il restera à l’hôpital quelques semaines de plus.

Pour ce jeune menuisier de 21 ans qui travaille pour la firme Garoy Construction, c’est le début d’une histoire marquée par son courage, l’amour de sa famille et de ses amis. Son processus de réhabilitation débute par un séjour de six mois au Centre François Charron où il réapprend à s’habiller, à se laver et se faire à manger.

Il possède encore l’usage du haut de son corps, ses bras, ses mains et surtout de son cerveau.

Une visite d’un conseiller de la Société de l’assurance automobile du Québec lui permet d’apprendre qu’il existe de l’aide pour lui permettre d’acquérir les connaissances nécessaires pour réorienter sa carrière, face à son incapacité d’exercer à nouveau son métier de menuisier. Dans un document vidéo réalisé par la SAAQ, on peut d’ailleurs entendre Bruno-Alexandre témoigner des possibilités qu’offre la société d’état pour faciliter la réintégration au marché du travail des personnes victimes d’un accident de la route.

Bruno-Alexandre retourne enfin à la maison familiale et comme il le dit si bien « Je me suis demandé ce que j’allais faire de ma vie ».

Bruno-Alexandre

Un homme de cœur

C’est une rencontre avec le président de Garoy Construction, M. Jean Roy, qui lui indique la voie à suivre. Bruno-Alexandre qui voue un grand respect à cet homme qu’il considère comme son mentor, l’entend lui dire « Retourne à l’école, quand tu auras terminé tes études, il y aura une place pour toi ici ». Il s’inscrit donc à une formation d’estimateur en construction dispensée par le Campus Notre-Dame-de-Foy.

Après 18 mois d’études, Bruno-Alexandre est prêt à réintégrer le marché du travail. Il appréhende toutefois son retour, comment fera-t-il pour le stationnement, pour circuler en chaise roulante ? L’homme de cœur qu’était M. Jean Roy, puisqu’il est maintenant décédé, et son fils, M. Jean-François Roy, avaient tout prévu. Un espace de stationnement lui est spécifiquement réservé, un dispositif lui permet d’ouvrir la porte d’entrée, son espace de travail et l’accès à la salle de bain lui permettent de travailler de façon autonome.

Le travail de Bruno-Alexandre permet d’évaluer les coûts de chaque composante d’un projet de construction : l’installation des fenêtres, la pose de gypse, du revêtement extérieur, etc.

L’entreprise pour lequel il travaille, Garoy Construction, est spécialisée en gestion de projets et en gérance de construction. C’est d’ailleurs cette firme qui a géré la réalisation de nombreux projets dont celui du magasin IGA de Sainte-Brigitte-de-Laval.

Un projet revêt cependant un intérêt particulier pour lui, soit celui du Groupe TAQ, une entreprise d’économie sociale qui offre des emplois stables et de qualité à des personnes qui ont des limites fonctionnelles.

 

Marcher à nouveau

Une émission de télévision animée par Chantal Lacroix allait cependant le confronter à un autre défi, être debout une nouvelle fois. Grâce à la générosité des gens, ce jeune homme allait pouvoir avoir accès au centre Neuro-Concept, une clinique spécialisée de physiothérapie et de kinésiologie permettant l’optimisation motrice des personnes ayant des paralysies ou des atteintes de la mobilité.

Les premières visites de Bruno-Alexandre lui permettent de stimuler par des pulsations électriques les muscles atrophiés de ses jambes. Debout dans un harnais, il effectue des lancers d’un ballon, des mouvements de boxe, etc. Il voit pour la première fois un robot-thérapie qui permet aux personnes d’être debout et de marcher.

Mais, ce n’est pas pour lui, il n’est pas assez fort physiquement et suffisamment entraîné. Bruno-Alexandre fréquente le centre régulièrement et constatant le sérieux de sa démarche, on lui réserve une belle surprise, soit lui permettre de vivre l’expérience du robot. Bruno-Alexandre est émerveillé. « Après avoir vécu à quatre pieds de hauteur durant sept ans, j’avais la possibilité de me tenir debout, de faire quelques pas et de mesurer à nouveau 6 pieds, 2 pouces », dit-il. Il doit cependant améliorer sa forme physique pour vivre pleinement la sensation de se tenir debout et de marcher. Encore une fois, Bruno-Alexandre ne fera pas les choses à moitié. Il s’inscrit au Word Gym de Beauport.

Comment réagiront les autres personnes qui fréquentent le centre ? Unami l’approche, M. Moys Walsh qui fréquente assidument le centre. Il travaille dans le secteur de la santé et le prend sous son aile. En lui faisant travailler chacun des muscles biceps, triceps, tout y passe. Bruno-Alexandre fréquente le centre trois fois par semaine.

Des séances d’entraînement intensif de 1 h 30 à 2 h. Soulever tout le poids de son corps à partir d’une barre de fer à 15 reprises, c’est impressionnant. Faire le même exercice en ajoutant le poids d’une chaise roulante, c’est encore plus impressionnant.

Cette forme physique renouvelée lui a permis de réaliser des progrès spectaculaires avec le robot. Il a réussi à se tenir debout et à marcher durant plus d’une minute.

Une grande dose d’amour Chaque visite au centre de réadaptation coûte 350 $. Sur une base annuelle, Bruno-Alexandre doit débourser un montant de 4000 $, auquel s’ajoutent ses frais de déplacement et de repas. C’est beaucoup de son argent personnel qu’il investit, mais il se compte chanceux car depuis le tout début, il peut aussi compter sur le soutien de toute sa famille; ses oncles, tantes et grands-parents pour rembourser une partie des frais.

Plusieurs personnes avaient évoqué la possibilité de lui venir en aide, mais il avait toujours décliné les offres. Deux de ses amis, Frédéric Guay et Pierre-Luc Larochelle, arrivent toutefois à le convaincre d’accepter de lui remettre les pourboires qu’ils recevraient dans le cadre de la soirée barman d’un soir organisée par le Resto-Bar Alpin. Il finit par consentir, croyant que cette activité lui permettrait de payer quelques séances au centre Neuro-Concept.

Une fois le feu vert obtenu, Frédéric et Pierre-Luc ont tôt fait de publiciser sur les médias sociaux que la soirée permettrait de venir en aide financièrement à Bruno-Alexandre. La réponse de ses amis et de sa famille a été spectaculaire, plus de 4 000 $ ont été amassés. Bruno-Alexandre n’arrive toujours pas à s’expliquer ce grand élan de générosité. La réponse est pourtant fort simple, il mérite amplement cette grande dose d’amour. Les quelque 200 personnes présentes ont voulu manifester leur soutien à une personne courageuse, toujours prête à aider les autres et qui a fait preuve d’une amitié indéfectible envers ses amis.

Bruno-Alexandre tient d’ailleurs à remercier tous ceux et celles qui ont pris le temps de se déplacer. « Une soirée que je ne suis pas prêt d’oublier » dit-il. Bruno-Alexandre trouve tout à fait normal d’aider les autres sans rien demander en retour, c’est une belle valeur qui lui a été transmise par ses parents, Martine et Bertrand. Mais, le temps est venu pour lui de profiter de tout cet amour que les personnes qui le connaissent bien ont eu la possibilité de lui transmettre.