Yves Manseau, l’Itinéraire, Montréal
Ville de Saint-Jérôme, capitale de la région des Laurentides, prend le taureau par les cornes avec une approche unique et consultative.
Alors que le gouvernement canadien s’apprête à légaliser le cannabis partout au pays, Stéphane Maher, maire de Saint-Jérôme, surprend en étant le premier maire au Québec à annoncer que « le cannabis sera interdit dans l’espace public sur tout le territoire [de la ville], les parcs, les rues, les pistes cyclables, les trottoirs et les grands espaces publics extérieurs ». Son approche est le produit d’une démarche de consultation publique qui comprend un sondage qui a reçu près de 3000 réponses, en plus des consultations avec des élus locaux et des représentants des forces de l’ordre. Zoom sur une problématique à multiples dimensions.
L’Itinéraire est allé à la rencontre d’élus au cœur du débat sur l’application de la Loi sur le cannabis dans la capitale des Laurentides. D’abord prévue pour le mois de juillet, la mise en application du projet de loi fédéral C-45 a été officiellement repoussée au mois d’août, au plus tôt. Le gouvernement de Québec a déjà demandé que la légalisation du cannabis soit reportée afin de permettre aux provinces de se préparer. Les Villes ont aussi une grande partie de responsabilité dans la mise en application de cette loi.
Le maire de Saint-Jérôme entre dans le vif du sujet : « La loi fédérale dit essentiellement que consommer du cannabis, c’est légal partout. Le gouvernement Trudeau a brusquement garroché cela aux autres paliers gouvernementaux qui doivent légiférer sur l’encadrement de l’application de la loi. Chez nous [au niveau municipal], ça prend minimum trois mois pour implanter un nouveau règlement. C’est pour cela qu’on a agi rapidement et formé un “ comité cannabis ” composé d’élus. On a fait un sondage [auquel] 2900 personnes ont répondu… et près de trois personnes sur quatre souhaitent que le cannabis soit interdit dans l’espace public. Nous déposerons un projet de règlement en ce sens en mai et serons ainsi prêts pour octobre. »
La Ville a aussi organisé trois séances de consultation pour les citoyens, les groupes communautaires et les institutions de sécurité publique, d’éducation, de la santé et des services sociaux. Selon Stéphane Maher, il en est ressorti que l’inquiétude principale des gens concernait la jeunesse : « La question que tout le monde se pose, c’est à propos des enfants, de la jeunesse : est-ce que les jeunes qui consomment déjà vont consommer plus, et ceux qui ne consomment pas seront-ils plus portés à consommer ? ».
Le premier magistrat avoue avoir « grandi énormément » à travers ce processus. Il constate que « tout le monde est en apprentissage » par rapport aux multiples dimensions de la légalisation. Il soulève la question des produits dérivés, dont il n’était pas conscient avant le début de la réflexion : « Ça, c’est dangereux… si vous fumez du cannabis, vous avez l’effet rapidement ; avec les produits de transformation, ce n’est pas cela qui arrive. Prenons la personne qui n’a jamais consommé de cannabis de sa vie. Elle décide de manger un muffin au pot, aucun effet, en mange un deuxième, pas d’effet, en mange un troisième, attend un peu et tout d’un coup bang ! L’effet arrive : angoisse, anxiété et peut-être une overdose. Le débat sur les produits dérivés reste à faire ».
Faire confiance aux forces de l’ordre
L’enjeu de l’effet du cannabis sur la conduite le préoccupe beaucoup : « Là-dessus, personne n’est prêt au Québec. Par contre, on travaille sur un programme de formation pour nos policiers. La chance est que nous avons un bon corps policier, mais nous avons besoin de plus d’argent pour la formation et les équipements ».