Éric Madsen, Le Saint Armand, Saint-Armand
Du fin fond de la baie James jusqu’au littoral gaspésien, en passant par les forêts profondes de l’Abitibi, les montagnes laurentiennes, les verdoyantes prairies montérégiennes, les collines beauceronnes et partout ailleurs, les régions du Québec sont en mode séduction.
Il s’agit de séduire les jeunes familles, les milléniaux, pour les convaincre de venir s’établir ici plutôt qu’ailleurs. Séduire les chercheurs d’ouvrage, pour qu’ils viennent travailler chez « chose » qui a campé son entreprise chez-nous plutôt que chez « untel » qui a installé la sienne ailleurs. Séduire, c’est en fait une question de survie, car les régions sont en pénurie de main d’œuvre. Dans la MRC de Brome-Missisquoi, on prévoit avoir besoin de 10 000 travailleurs supplémentaires au cours des dix prochaines années, soit autour de 5 000 familles.
Comment séduire et avec quoi ? Voilà des questions que doivent se poser nos élus maintenant et au cours des prochaines années. Mais pas seulement les élus : on s’accorde pour dire que nous avons tous un rôle à jouer dans cette grande séduction. Les organismes sociaux-économiques, culturels, agricoles, les milieux d’affaires ou communautaires, les commerçants et entrepreneurs, le milieu scolaire, celui des transports, de l’économie verte… Tout le monde devra mettre l’épaule à la roue, parce que toutes les régions feront de beaux yeux et dérouleront le tapis rouge aux candidats. Faudrait pas que nous soyons en reste !
Des stratégies éprouvées ailleurs pour mieux faire connaître la région, la mise en œuvre d’un marketing territorial dynamique et un meilleur accès à la propriété, entre autres choses, aideraient à stopper le déclin démographique observé dans le comté et qui frappe de manière plus aiguë encore en Armandie.
Comme ailleurs au Québec, la majorité des emplois d’ici proviennent de petites et moyennes entreprises. À Bromont, à Farnham, à Lac Brome, à Cowansville, à Bedford et à Dunham, des entreprises manquent de main d’œuvre. C’est le cas de la compagnie Fabritec (armoires de cuisine) de Bromont, qui doit recourir aux services de travailleurs issus des communautés afghane de Sherbrooke et asiatique de Montréal, des hordes de travailleurs déplacés quotidiennement en autobus nolisés, afin de répondre à ses besoins, qu’elle attribue à une forte croissance de ses affaires. Même situation chez KDC à Lac Brome (fabrication contractuelle de produits de santé et de soins de beauté) qui doit organiser le transport de centaines de travailleurs provenant en majorité de la communauté caribéenne de Montréal. Les multinationales IBM et GE Aviation (Bromont) organisent régulièrement des portes ouvertes les fins de semaine afin d’attirer de futurs employés. Dernièrement, la compagnie agroalimentaire beauceronne Olymel a dû recruter des employés à l’Île Maurice, à ses frais.
Ainsi, Brome-Missisquoi devra, plus tôt que tard, s’ouvrir à l’immigration. Des mauvaises langues diront que « les étrangers viennent voler nos jobs », mais ce sera faux, bien sûr, puisqu’ils viennent faire un travail qui ne nous intéresse pas. Se plaint-on encore des Latino-Américains qui triment à la semaine longue dans les champs pour ramasser nos fruits et légumes ? Pas vraiment, me semble-t-il. Soyons honnêtes, ces emplois n’exigent pas une grande qualification et les salaires offerts présentent peu d’intérêt aux yeux de la plupart d’entre nous.
Nous souhaitons continuer de bien vivre ici et de profiter d’une qualité de vie enviable, dans un environnement naturel préservé. Fort bien mais, déclin démographique oblige, il faudra partager nos richesses avec ceux et celles qui sont prêts à faire les « jobs de bras » qui ne nous intéressent pas vraiment. Après tout, leurs enfants pourraient contribuer au maintien de nos écoles et la présence de toutes ces familles nous permettrait de maintenir ici des services publics dignes de ce nom.
À moins que nous souhaitions plutôt cautionner l’inévitable déclin qui est en cours, parce que nous persisterions à fermer les yeux sur notre réalité…