Chloé Sainte-Poésie

Annie Landreville, Le Mouton Noir, Rimouski

Pour souligner, le 21 mars, la Journée mondiale de la poésie, Le Mouton Noir publie une entrevue avec Chloé Sainte-Marie, qui depuis longtemps célèbre les mots et leur poésie.

Trente ans après La Guêpe, film dans lequel Gilles Carle lui donnait le premier rôle, Chloé Sainte-Marie est devenue une référence incontournable en ce qui concerne la chanson, la diffusion de la poésie et la réconciliation entre les peuples autochtones et allochtones.

Celle qui a grandi dans une maison paternelle en bois de grange, qui comprenait aussi un abattoir et une boucherie, et qui n’avait que la Bible et les manuels scolaires pour toute lecture, a développé au fil des ans un amour et une passion pour les langues et la poésie. Si Gilles Carle a été son premier contact avec le poème, c’est dans les histoires bibliques qu’elle a trouvé les sons et les images qui ont marqué son imaginaire.

Pour rester dans le vocabulaire religieux, elle confesse, dans un grand éclat de rire, dormir littéralement avec ses recueils de poésie : « Je couche avec tous mes poètes! Des fois, j’ai trente livres autour de moi dans mon lit. Jean-Paul Daoust, Fernand Ouellette, Bibitte… je m’endors avec mes livres dans les mains et je me réveille la nuit pour poursuivre mes lectures. »

Chloé l’intense sur scène l’est aussi dans la vie : « Je ne choisis pas mes poètes, mais je choisis mes poèmes. Le poème, il faut qu’il me traverse le corps, je le lis 1 000 fois, je le dis, je le réécris, j’en change la disposition, il faut que je me l’approprie. Je ne fais pas de lectures de poèmes, je le mets en spectacle! Ce n’est pas un récital. J’ai assez d’instinct pour sentir le public, pour m’adapter au lieu. Si je fais un spectacle dans la magnifique salle de Rimouski ou à la Place des Arts, ce ne sera pas le même spectacle. Et les poètes me donnent la permission de couper, de triturer leurs textes, de jouer avec eux. »

Son amour des mots lui vient avant tout des sons. Le sens vient après. Elle aurait aimé apprendre le latin, connaît un peu l’innu, s’initie au créole haïtien : « La musique, le son des mots m’attirent plus que leurs sens. Comme dans les écrits francophones de Kerouac, c’est fabuleux de lire cette langue à voix haute! C’est la musique et le son qui priment. Je me suis tellement reconnue dans ces mots! Quand je choisis un poème, c’est sa musique qui m’attire. C’est la musique du texte qui me rentre dans le corps en premier. Les textes de Patrice Desbiens ou de Roland Giguère me parlent à cause de ça. Ce n’est pas le sens qui est le plus intéressant, parce que le sens change tout le temps, ça dépend du moment où on le lit. Le sens des mots devient secondaire. J’apprends le créole, je parle tout croche, mais j’essaie! Je me reconnais dans le créole haïtien, comme je me suis reconnue dans les femmes haïtiennes. Si je vivais immergée dans la culture autochtone, je parlerais innu assez rapidement. Il y a une grande parenté entre les peuples innu et haïtien. »

Pas pour rien que l’exploréen de Claude Gauvreau a rejoint son répertoire : « Ben oui, Gauvreau, ça fait partie de moi, ça fait tellement longtemps que je lis Gauvreau! ‟Jappements à la lune”, ç’a été comme un exutoire après la mort de Gilles. Il y avait tellement de souffrances chez Gilles, j’ai eu besoin de le chanter. Et ‟Mon Olivine ma Ragamuche”, c’est le poème le plus cochon que je connaisse. Gainsbourg peut aller se rhabiller! »