René Beauregard, directeur général de l'organisme Au Coeur des Familles Agricoles (ACFA)

Sortir des rangs : aider les agriculteurs en situation de détresse

Gabrielle Brassard-Lecours, Journal Mobiles, Sainte-Hyacinthe

Le métier d’agriculteur peut être solitaire, éreintant et difficile pour le moral. Plusieurs sombrent dans la dépression ou les problèmes de santé mentale. Certains vont parfois même jusqu’à s’enlever la vie. Comment améliorer la situation et sortir les agriculteurs de l’isolement ?

Longues journées, stress, solitude, mauvaises récoltes : de nombreux facteurs peuvent plonger les agriculteurs dans des périodes sombres. Heureusement, des solutions existent, comme l’organisme Au cœur des familles agricoles (ACFA), situé à Saint-Hyacinthe. Fondé officiellement en 2003 par Maria Labrecque-Duchesneau, ACFA offre soutien, répit et ressources pour venir en aide aux agriculteurs en détresse psychologique.

Une oreille attentive

René Beauregard, directeur général de l’organisme Au Coeur des Familles Agricoles (ACFA)« Ce dont ils ont le plus besoin, c’est d’être écoutés et qu’on aille vers eux », confie la fondatrice de la maison de répit. Même si elle a pris sa retraite il y a deux ans, elle est encore active auprès des agriculteurs. Les intervenants sociaux d’ACFA, surnommés « travailleurs de rang », visitent aussi régulièrement les agriculteurs en détresse, sous la gouverne du nouveau directeur de l’organisme, René Beauregard.

Selon l’intervenante, les périodes les plus difficiles pour les agriculteurs sont les mois de novembre et d’avril. « Novembre, c’est un mois stressant : il faut arriver dans les temps pour les récoltes. C’est souvent à ce moment-là que l’énergie tombe », dit-elle. Avril, période des semences, est une autre période exigeante : les agriculteurs se préparent pour une nouvelle saison, et leurs décisions assureront le succès ou l’échec des récoltes, qui dépendent aussi de la température.

Les signes de détresse

Selon la fondatrice d’ACFA, la détresse n’arrive jamais d’un coup, elle s’immisce lentement chez les agriculteurs. « Si on constate qu’un agriculteur arrête de fréquenter les endroits où il va souvent, ou que ses produits sont moins bons, ou encore qu’il parle moins et s’isole de plus en plus, ce sont des signes alarmants de détresse », affirme-t-elle.

« Des fois, c’est juste des petits trucs qui peuvent aider, comme remercier un agriculteur quand on le croise, ou lui proposer d’aller prendre une marche pour discuter, l’encourager à prendre un bain pour relaxer », explique celle qui, au cours de sa carrière, n’a pas hésité à faire les foins, à transporter des pierres et à traire des vaches pour passer du temps avec les agriculteurs.

Des sentinelles pour s’entraider

Il n’existe aucune statistique récente sur le suicide chez les agriculteurs. Toutefois, dans les années 1980, ce taux atteignait le double de celui des autres hommes du même âge, selon des données de l’Association québécoise de prévention du suicide (AQPS), citées dans un récent article de La Presse.

L’an dernier, l’Union des producteurs agricoles (UPA) et l’AQPS ont formé 600 « sentinelles » pour repérer les signes de détresse psychologique chez les agriculteurs, qui seraient « surreprésentés en matière de comportements suicidaires ». Parmi ces sentinelles figurent des agriculteurs ou des professionnels du milieu agroalimentaire, qui ont pour rôle d’entrer en contact avec les personnes en détresse et de les aider à trouver de l’aide.

Investir dans la prévention

Pour Maria Labrecque-Duchesneau, la solution la plus efficace serait d’investir des sommes plus importantes dans la prévention et dans les ressources. « J’ai accompagné un grand nombre d’agriculteurs en psychiatrie, qui sortaient des institutions 24 heures après leur admission. Il faut beaucoup plus de temps pour se remettre d’une dépression ou d’un autre problème de santé mentale », s’indigne-t-elle. En attendant, l’écoute et le temps restent les meilleurs moyens pour aider les agriculteurs.