Les défis de Montréal pour les 4 ans à venir

Benoît Gaucher, Échos Montréal, Montréal

Les dernières élections municipales furent plus intéressantes que prévu. Si au départ, beaucoup s’accordaient à dire qu’il n’y avait pas de candidat en face de Denis Coderre se démarquant assez pour représenter un réel danger, Valérie Plante a su brillamment s’imposer dans le camp de l’opposition. Cette remontée fut telle que les sondages affichaient tous un resserrement très visible dans les intentions de vote envers les deux prétendants. Certains mêmes laissaient présager un coude-à-coude parfait. Graphiquement, on entrevoyait une inversion des courbes se dessiner. La tension fut donc à son comble jusqu’à la dernière minute. Valérie Plante fut finalement élue haut la main, et son parti, Projet Montréal, a déferlé tel un raz-de-marée sur la Ville en remportant la majorité des sièges au conseil municipal. On notera toutefois de belles victoires pour Équipe Coderre. À titre d’exemple, pour Peter-McGill dans Ville-Marie, Cathy Wong a été élue de manière très nette.

 

Retour sur une campagne historique

Qu’on l’aime ou non, tous reconnaissent que Valérie Plante a fait une superbe campagne. Alors que sa stratégie de communication avait au début créé la polémique, avec le slogan « L’homme de la situation », la cheffe de Projet Montréal, inconnue de tous il y a de cela quelques mois, a réussi à imposer sa marque sur le devant de la scène.

L’arrogance affichée de Denis Coderre aura eu raison de lui. Car bien au-delà de son bilan, c’est sa manière de diriger, passéiste et hautaine, qui a été critiquée, les citoyens réclamant plus d’humilité. Monsieur Coderre s’est sans doute fait sanctionner sur les dépenses faramineuses engendrées par les fêtes du 375ème anniversaire de Montréal (1 milliard de dollars contre seulement 500 millions pour les 150 ans du Canada à l’échelle nationale). De plus, beaucoup jugent que ce milliard a été investi d’une manière contestable, dans des projets rarement à la hauteur des sommes engagées. Si l’illumination du pont Jacques-Cartier fut appréciée et qualifiée de spectaculaire, les quelques 50 millions injectés dans la promenade Fleuve-Montagne, aménagée ici et là de manière relativement austère, firent jaser. Le scandale des milliers de billets gratuits de la Formule E n’a pas non plus aidé, d’autant que leur nombre a été pendant longtemps caché aux Montréalais.

Dans le camp d’Équipe Coderre, plusieurs ténors ont échoué, à l’image du fondateur de Projet Montréal, Richard Bergeron, qui a rallié l’administration Coderre en 2013. Se faisant très critique de son ancien parti, ce dernier paie cher sa décision d’avoir rejoint le Maire sortant. Monsieur Bergeron s’est ainsi incliné face à un Robert Beaudry dynamique et convaincant. D’autres politiciens d’expérience ont eux aussi été battus, à l’image de Harout Chitilian, Claude Dauphin ou encore Réal Ménard.

 

Les défis de la nouvelle Mairesse

Valérie Plante sait qu’elle est aujourd’hui plus que jamais sous les projecteurs. Son projet phare de ligne rose sera scruté à la loupe. La nouvelle Mairesse répond là à un problème majeur pour Montréal, l’accessibilité au Centre-Ville, sujet traité en septembre dernier par Échos Montréal. Si Denis Coderre se contentait à court et moyen terme du prolongement de la ligne bleue, en attendant le fameux Réseau Électrique Métropolitain (REM), Valérie Plante a su tirer parti de l’agacement des citoyens face à un réseau de transports collectifs congestionné par endroits. Mais il appartient maintenant à elle de donner tort à son ancien adversaire, contestataire sur le réalisme d’un tel projet, dont le coût est évalué à 6 milliards de dollars selon Projet Montréal, qui a reçu l’aide de Polytechnique pour l’étude de faisabilité. Il lui faudra donc respecter au maximum ce budget et surtout aller chercher, auprès notamment d’Ottawa, les fonds nécessaires audit projet.

Valérie Plante sera de plus attendue sur la question des travaux dans la métropole. Si elle a été critique envers l’administration Coderre, elle doit maintenant résoudre ce casse-tête afin que Montréal ne soit plus aussi tristement connue pour le foisonnement de ses fameux cônes orange.

Le bilan du désormais ex-Maire n’est toutefois pas à jeter intégralement aux ordures. Plusieurs sont d’avis que l’économie va mieux en partie grâce à ses habilités de négociateur et que beaucoup a été fait pour enrayer la corruption. Madame Plante aura la responsabilité de permettre à Montréal de poursuivre son essor tout en accentuant la transparence liée à l’octroi des contrats municipaux.

Sur le plan touristique, il s’agira pour la Mairesse de maintenir la croissance annuelle des visiteurs faisant le choix de Montréal comme destination de loisir. L’aménagement du tout nouveau Quai Alexandra l’aidera sans doute à doper davantage ce secteur, grâce aux nombreux bateaux de croisières qui y font escale.

 

Première femme depuis Jeanne Mance

Ces élections auront été des plus palpitantes pour des élections municipales, considérant le scénario peu probable qui s’est joué. Le dimanche 5 novembre au soir, du fait des personnalités et des visions très différentes de Denis Coderre et Valérie Plante, le sentiment des citoyens était très tranché ; formidablement heureux et rempli d’espoir pour les partisans de Projet Montréal ou effroyablement triste et désabusé pour les soutiens du Maire sortant. Toutefois, les dés ont été jetés. Il souffle un vent nouveau sur Montréal et sa Mairesse, Valérie Plante, première femme à influer autant sur la métropole depuis sa cofondatrice Jeanne Mance, tient la barre. Il reste à espérer que cette femme intelligente, joviale, énergique et charismatique continuera d’impressionner durant son mandat tout comme elle a su le faire pendant la campagne.