Comment se vit l’itinérance à Dolbeau-Mistassini ?

Chelsie Savard, L’Itinéraire, Montréal

L’itinérance à Dolbeau-Mistassini se vit très différemment des grands centres comme Québec, Montréal et même Saguenay. On parle d’une itinérance cachée et encore méconnue. Bien des habitants de la place sont encore surpris que des gens vivent de cette façon ici. La moyenne d’âge des personnes vivant en situation d’itinérance est d’environ 35 ans et touche autant d’hommes que de femmes.
Il est rare de voir des gens mendier dans les rues ou dormir dans les parcs, par ici. Vous verrez plutôt des appartements ou des maisons de chambres surpeuplés, des gens vivre dans des roulottes cachées au fond des bois une partie de l’année, des gens qui iront d’un appartement à l’autre en échange de faveurs, etc.

Comme la région possède un seul hébergement en itinérance et peu de logements sociaux, ceux-ci doivent se débrouiller du mieux qu’ils peuvent pour passer leurs nuits à l’abri. En été, le camping peut être une option, mais en plein hiver, sans réseau social et sans le sou, il ne reste que bien peu de choix. Dans un milieu aussi petit que le nôtre, tout le monde se connaît et les chances de vouloir repartir à zéro sont rares. Souvent, des propriétaires se sont déjà forgé une opinion selon des ouï-dire sans laisser à la personne l’opportunité de se rattraper, ce qui désavantage énormément les participants dans leur processus de rétablissement.

Vaut mieux prévenir
D’où l’intérêt d’avoir un service pour prévenir l’itinérance dans la région tel qu’APPART+. Le CSM l’ArrimAge regroupe un ensemble très complet de services (centre de jour, intégration au travail, pair aidant, soutien au logement, etc.). Les personnes que je vois dans mon bureau sont de jeunes adultes, souvent judiciarisés, toxicomanes, ayant des problèmes de santé mentale, qui arrivent à un point tournant de leur vie. Vivant cette situation depuis un certain temps, ils décident enfin qu’ils en ont assez et viennent chercher du support pour s’en sortir. Le programme APPART+ vise à prévenir et mettre un terme à l’itinérance. Pour y adhérer, la personne doit, sur une base volontaire, avoir un suivi avec un intervenant pendant un an. En contrepartie, elle pourra bénéficier d’une aide financière pour du mobilier, de l’épicerie et le loyer. Certains utilisent cette opportunité pour se sortir de ce gouffre tandis que d’autres retourneront dans ce milieu, parce que c’est tout ce qu’ils connaissent.

Belle réussite
Bien entendu, des réussites il y en a ! C’est le cas de Michel Lavoie, un homme avec qui j’ai eu la chance de travailler au tout début du programme. Il témoigne : « C’est le 20 novembre 2015 que j’ai fait ma première rencontre avec Chelsie. C’est ma travailleuse de rue qui m’avait référé à l’ArrimAge. Cette rencontre-là, ç’a été comme une claque dans la face. À ce moment-là, j’étais tout mélangé. J’avais l’impression que le ciel venait de me tomber sur la tête, dit Michel. Il faut dire que ça faisait déjà un bout que ça n’allait pas bien, mais c’est là que j’ai enfin réalisé dans quoi je m’étais enfoncé. »

Les dernières années se résumaient à des mauvaises fréquentations, des relations amoureuses malsaines, des congédiements, des problèmes d’agressivité, une consommation élevée d’alcool, des problèmes de jeux, du squattage etc. « Je ne prenais plus rien au sérieux, ma vie n’avait plus de sens. Je m’étais déjà présenté à l’ArrimAge, mais j’étais tellement dans le déni, que je n’ai jamais osé franchir la porte », avoue-t-il. Michel était convaincu qu’il pouvait s’en sortir seul. C’est suite à une chicane avec la mère de ses enfants, qui a appelé la police, qu’il a décidé de prendre sa vie en main. « Là, j’en avais réellement assez. Au fil des rencontres, j’apprenais à accepter les choix que j’avais faits, que c’était un jour nouveau et que je pouvais enfin me construire un avenir. » Très vite, les choses se sont placées, Michel a eu son appartement en janvier 2016 et en février il débutait ses démarches pour réintégrer le marché du travail. « Aujourd’hui, j’ai un travail de livreur que j’aime, je vois l’impact positif que mon rétablissement a eu sur mon entourage, je suis confiant des choix que je fais et je sais vivre avec mes petits démons du passé. Ce n’est pas facile demander de l’aide, mais c’est certainement le plus beau cadeau que j’ai pu me faire ! » Si des gens comme Michel s’en sont sortis, d’autres sont retournés en situation d’itinérance. Cependant, je crois que le service a pu leur apporter de petites réussites qu’ils sauront, un jour ou l’autre, utiliser à bon escient.