Éric Cyr, Le Trait D’Union Du Nord, Fermont
L’enseignante en architecture à l’Université de Waterloo en Ontario, Lola Sheppard, était à Fermont pour la première fois accompagnée de 16 étudiants, le 9 octobre dernier, dans le cadre d’un travail de recherche sur le terrain. C’est le fameux mur-écran qui a inspiré ce déplacement d’ordre professionnel, mais aussi un peu d’ordre sentimental puisque c’est le père de la professeure, un immigrant roumain également architecte, Adrian Sheppard, qui a travaillé avec le planificateur Norbert Schoenauer à la concrétisation de l’impressionnant ouvrage inauguré en 1974 et qui personnifie la ville minière.
Dans les traces de son père
Le projet d’édifier une ville à Fermont a été envisagé par la Compagnie minière Québec Cartier à la fin des années 1960 avec l’objectif spécifique de remplacer éventuellement la ville de Gagnon. L’entreprise, qui en a confié la planification à la firme Desnoyers & Schoenauer, souhaitait améliorer la qualité de vie des habitants de ce type d’agglomération nordique tout en maximisant l’efficacité des infrastructures. Le mur-écran atteignant 50 mètres de haut sur la plus grande partie de sa longueur de 1,3 km a été inspiré d’un concept de l’architecte suédois Ralph Erskine qui a conçu un édifice similaire pour abriter des mineurs dans l’arctique suédois en 1962. Contrairement au mur-écran qui est multifonctionnel, les architectes espéraient que cela favoriserait un rapprochement et aiderait à tisser des liens serrés, la construction de Erskine était simplement vouée à loger des travailleurs.
Ville nordique futuriste
« Est-ce qu’on pourrait imaginer une architecture vernaculaire propre aux régions nordiques ? Il existe ailleurs deux fragments de mur-écran dans le Nord canadien inspirés du modèle fermontois » confie Lola Sheppard dans un français impeccable. « On étudie Fermont comme modèle. Les étudiants doivent concevoir une nouvelle ville en tenant compte d’un certain design et d’un scénario incluant la durée de vie d’une mine. Ils vont être amenés à prendre position sur deux courants de pensée qui s’affrontent actuellement. La permanence et la durée par opposition à la semi-permanence qui n’est que temporaire et qui véhicule une approche éphémère. Ils vont amorcer une réflexion sur la temporalité d’une ville nordique incluant les volets environnemental, économique et social. La vie pendant et après l’exploitation minière, la pérennité ou l’impermanence » explique-t-elle en abordant aussi les thèmes de la densité et l’espace spatiotemporel.
« J’adore Fermont, je suis vraiment impressionnée, mais je suis surprise qu’il n’y ait pas vraiment de lieux pour s’asseoir le long de la rue intérieure qui s’apparente à un long corridor. Des bancs publics devraient faire partie du paysage afin que les gens puissent se rassembler, discuter et tisser des liens tout en mangeant en groupe par exemple. Il pourrait y avoir plus de fenêtres, plus de transparence. Avec peu de choses, on pourrait améliorer beaucoup l’ambiance. »
Selon cette dernière, l’idée n’est pas de réinventer Fermont, mais que les aspirants-architectes puissent s’inspirer de la réalité fermontoise pour élaborer une nouvelle ville minière nordique fictive. « On étudie l’apport des mines en tant qu’engins économiques justifiant la construction de nouvelles villes comme Fermont qui est l’une des rares villes dans le nord du pays conçues par des architectes. On peut être critique, mais il y avait tout de même une vision ambitieuse à l’époque loin de celle des villes champignons. » Le groupe a aussi visité les villes minières de Labrador City et de Wabush au Labrador et s’est arrêté à la centrale hydroélectrique de Manic-5 pour admirer le barrage Daniel-Johnson, un incontournable pour des architectes.