Alexandra Guellil,L’Itinéraire, Montréal
Bien qu’elle boîte en marchant, Dominique Riel parvient à se déplacer avec l’aide de Phyllo, son chien d’assistance. Quand la porte de chez elle s’ouvre automatiquement, rien ne laisse penser que cette femme de 44 ans vit avec une moitié de cerveau. « Je suis un cas unique dans mon genre. Quand tu es prête, je te donne le nom de ma maladie, tu verras, c’est un nom qui ne s’oublie pas », amorcet- elle avec une pointe d’ironie. « Ce que j’ai, ça s’appelle l’encéphalite chronique de Rasmussen. » Sous ce nom scientifique se cache un trouble neurologique progressif qui se manifeste à l’enfance et se caractérise généralement par des crises difficiles à maîtriser, des troubles du comportement ou une faiblesse d’un côté du corps. « Quand j’étais ado, j’ai été internée et durant cette période, je faisais jusqu’à 30 crises d’épilepsie par jour. Il fallait absolument que mes parents interviennent. »
Dominique Riel se fait alors amputer de son hémisphère droit du cerveau, ce qui engendre une paralysie de ses membres de gauche. À cette époque, elle garde l’espoir de récupérer et se motive en regardant une photo de Jean Chrétien, atteint alors de la paralysie de Bell, une maladie qui paralyse de façon partielle ou totale un côté du visage. « Je ne voulais pas lui ressembler. Chaque jour, c’était ma façon de me motiver pour faire des exercices. On trouve son leitmotiv comme on peut à 17 ans ! » C’est grâce à sa détermination et la présence continuelle de ses parents que Dominique Riel parvient à déplacer quelques montagnes. « Je boite un peu, mais comme tel c’est juste mon bras gauche qui ne fonctionne pas et ma vision périphérique gauche que j’ai perdue », expliquet- elle en rappelant l’importance de son chien d’assistance dans sa vie quotidienne.
Capacités ou aptitudes ?
Depuis sa majorité, Dominique Riel bénéficie de l’aide sociale. Elle a passé toute sa vie d’adulte dans son appartement, qui est aujourd’hui adapté à sa réalité. « J’ai toujours voulu travailler, mais je n’en ai pas la capacité », continue-t-elle. Avoir la capacité d’action n’est pas toujours lié aux aptitudes professionnelles. Malgré son handicap, Dominique a pu compléter son secondaire 5, suivre des études dans le domaine du secrétariat et apprendre l’espagnol. Elle a aussi réussi avec brio certaines formations en gestion et communication orale. Bref, Dominique l’a prouvé à maintes reprises, elle est tout à fait capable de se frayer un chemin dans le monde du travail, au moins pour un contrat de trois jours par semaine. Une condition qui ne convient que très rarement aux employeurs. Et ce n’est pas faute d’avoir essayé.
Sa dernière expérience de travail était liée aux assurances. « Je passais des appels toute la journée, c’était trop demandant. J’ai dû arrêter pour ma santé », ajoute-t-elle. C’est à ce moment-là qu’elle opte pour des activités bénévoles dans toutes sortes de domaines, loin des contraintes qu’elle retrouve dans le monde du travail traditionnel. Et comme si cela ne suffisait pas, son dossier à l’aide sociale ne se met pas à jour automatiquement. Comme chaque personne bénéficiant de cette aide financière, elle doit prouver son handicap « en donnant tous les justificatifs de mon neurologue et de mon physiatre pour leur montrer que le cerveau ne repousse pas », plaisante-t-elle. Car après tout, il faut admettre que les montants qu’elle reçoit lui ont toujours permis de s’en sortir seulement parce qu’elle vit dans un logement subventionné. Si elle se remettait à travailler trois jours par semaine, elle ne pourrait pas subvenir à ses besoins. Avec le monde aux alentours, Dominique Riel préfère rester discrète sur la façon dont elle parvient à joindre les deux bouts. Pas par honte, bien au contraire, simplement pour préserver un peu de son jardin secret, un droit qu’on lui a retiré au moment de sa toute première demande d’aide sociale.