Julie Rancourt et Maurice Pépin; Photographie par Guy Brousseau

Maurice Pépin Lumber Le rêve d’un entrepreneur sans frontières

Louise Lamontagne, Le p’tit journal de Woburn,Woburn

Maurice Pépin est né à Saint-Hubert d’Audet en 1953. Il n’a que six mois lorsque ses parents s’établissent à Woburn. Il fréquente l’école primaire du village et termine sa 10e année à Lac-Mégantic. Son père, un entrepreneur forestier, l’amène souvent travailler avec lui lors des congés scolaires. Maurice se souvient : « Quand j’étais au primaire, je voyais les skidders de la famille Stearns accrochés les uns derrière les autres. Ils descendaient la Gosford pour aller travailler où il y avait moins de neige. Je disais aux autres que moi aussi j’en aurais plusieurs comme ça un jour. »

Vous l’aurez deviné, le travail en forêt attire Maurice dès son plus jeune âge. En 1970, il obtient son permis de travail pour les États-Unis et il part apprendre le métier en compagnie de son père qui travaillait alors avec des chevaux pour une compagnie du Maine. Le travail consistait d’abord à aménager une voie de passage. Ensuite, les chevaux tiraient les arbres abattus pour les apporter au bord du chemin. Puis les billes étaient chargées sur un camion qui les acheminait vers les différents moulins à scie. C’était un emploi exigeant et dangereux. Au fil des ans, les chevaux ont été remplacés par des débusqueuses (skidders) qui facilitent grandement la tâche.

C’est lors d’une soirée dansante à l’Hôtel Arnold que Maurice fait la connaissance de Julie Rancourt de Frontenac. Ils se marient en 1980. De cette union naissent trois garçons, soit Cédric, Alex, Carl et une fille, Mylène. En 1981, le couple fonde sa propre compagnie, « Pépin Lumber ». « On a eu la chance de le faire parce que mon père connaissait beaucoup de monde, raconte Maurice. Au début, j’avais un skidder, une chargeuse et quatre à cinq employés. Monsieur Larochelle charriait mon bois. Julie s’occupait de la gestion et faisait les payes. »

Maurice achète un premier camion usagé en 1983. Cette année-là, les salaires varient entre 400 $ et 500 $ par semaine. Mais les assurances pour les employés sont exorbitantes. Pour chaque 100 $ gagné, l’entreprise doit débourser 55 $, car les risques d’accident de travail sont très élevés. Cela n’empêche pas Pépin Lumber d’acheter un camion neuf en 1984. L’entreprise grossit tranquillement et la machinerie utilisée se modernise également.

En 2017, Pépin Lumber compte 12 camions, 6 débusqueuses à pinces (grapples), 4 ébrancheurs et 5 chargeuses. Deux nouvelles machines acquises au coût de 1 200 000 $, soit une multifonctionnelle et un « porteur », s’ajoutent à la flotte. Sur 30 employés canadiens plusieurs ont plus de 15 ans d’ancienneté et 5 Américains complètent l’équipe. Ils travaillent plus de 50 heures par semaine. Le lundi matin, à 5 h 15, les hommes sont assis au volant de leurs machines et ils en débarquent à 4 h 45 le soir.

Les contrats avec les compagnies forestières se signent au mois de janvier et juin. Une fois le contrat obtenu, la compagnie forestière fournit le plan du secteur à déboiser. « J’ai des contrats avec quatre compagnies américaines, donc j’utilise quatre équipes de travail, explique Maurice. Notre entreprise a grandi avec les demandes des compagnies forestières. Si on voulait remplir le contrat, il fallait avoir plus d’équipements ! » L’entretien de la machinerie exige l’emploi de deux mécaniciens au garage à Woburn et un sur place en forêt.

Julie s’occupe de faire les demandes de permis de travail, les « bonds », pour les travailleurs québécois. La tâche administrative de Pépin Lumber est complexe compte tenu des allers et retours aux États-Unis. « Il y a vingt ans, raconte Julie, on traversait les douanes américaines facilement. Maintenant, il y a beaucoup de permis de toutes sortes à présenter pour permettre à nos employés et à notre machinerie de circuler. »  Maurice ajoute : « Notre territoire de travail s’étend sur environ 200 000 acres. Et, en 36 ans, je ne suis jamais allé plus loin que 20 milles dans le bois ! Notre travail consiste à réaliser de la coupe sélective ou à blanc, la construction de chemins, de ponts et le transport du bois. Ce n’est pas nous qui décidons, ce sont les propriétaires des terrains. Si tu ne veux pas couper, un autre entrepreneur le fera à ta place. Après une coupe à blanc, les propriétaires des terrains attendent cinq années. Si la nature ne s’est pas régénérée, ils replantent des arbres. » Chaque équipe coupe cinq acres de bois par jour. Chaque semaine, plus de 90 voyages se dirigent vers des moulins à scie comme Fontaine, Multibois et d’autres aux États-Unis.

S’occuper d’une famille avec de jeunes enfants n’a jamais représenté un fardeau pour Julie. « Je m’occupais du bureau et des enfants en même temps. Il n’y avait pas de garderie à Woburn dans le temps ! Mes enfants soupaient toujours deux fois. Une fois à cinq heures et une autre fois quand Maurice arrivait parce qu’il partageait toujours sa grosse assiettée avec eux. » Maurice ajoute en riant : « Quand Julie était enceinte d’un des enfants, je lui disais qu’il fallait qu’elle accouche et qu’elle revienne faire les payes des employés. »

Tôt ou tard, Maurice et Julie savent qu’ils devront passer les rênes de l’entreprise aux enfants. Le couple tire une grande fierté de cet accomplissement, de leur complicité et de la relève familiale. Maurice a réalisé son rêve de p’tit gars et, maintenant, c’est à la nouvelle génération de Pépin de réaliser les leurs. Mais, l’heure de la retraite n’a pas encore sonné pour le couple qui a encore beaucoup de projets.