,Journal Mobiles, Septembre 2017
Une cinquantaine de personnes l’attendaient dans un restaurant de Saint-Hyacinthe. La famille proche et aussi des camarades de la première heure et d’autres qui se sont ajoutés au fil des années. C’était une surprise, on voulait souligner sa retraite. À l’aube de ses 70 ans, Fernand Grégoire a décidé de laisser la place aux plus jeunes.
En entrevue avec MOBILES, il se remémore ses premières années d’engagement social au comité de citoyens du quartier Christ-Roi. Au milieu des années 70, la Ville de Saint-Hyacinthe décide de démolir une quarantaine de maisons jugées insalubres. À la demande de l’évêché, il se joint à un comité de citoyens qui informera les résidents de leurs droits.
« L’histoire se répète » dit Fernand Grégoire, se référant à la démolition prévue de maisons pour agrandir un stationnement du centre-ville. Toujours indigné après tant d’années, il est cofondateur du comité Logemen’mêle qui a appuyé récemment les locataires évincés.
Comme membre du conseil d’administration, c’est l’engagement communautaire qu’il conserve, du moins pour le moment. « C’est important de défendre le monde qui a besoin d’aide » lance-t-il. C’est ce qu’il a fait toute sa vie.
Une jeunesse pas facile
Son enfance n’a pas été facile. À 14 ans, il travaille déjà, à temps plein, dans une manufacture de vêtements. « Mon père avait eu un accident de travail et le filet social n’existait pas dans ce temps-là ». Jeune adulte, il complètera ses études secondaires. « À 21 ans, j’étais le plus vieux de l’école », dit-il en riant.
Par la suite, il étudiera au cégep en gestion industrielle. « Je ne m’en rendais pas compte sur le coup, mais cela m’a beaucoup aidé dans l’organisation communautaire, notamment en comptabilité. »
En 40 ans, Fernand Grégoire s’impliquera dans une quinzaine d’organismes communautaires. De ce nombre, il en a lui-même cofondé neuf.
Être utile à la communauté
Dès le départ, sa motivation était de répondre aux besoins de sa communauté, d’être utile. Pour ce faire, il fallait d’abord consulter les gens. « Avant de fonder un organisme, il faut un an, parfois deux ans de préparation. C’est beaucoup de recherches et beaucoup de réunions. » Et toujours bénévolement, bien entendu.
En 1980, il met sur pied, avec des camarades, le Mouvement Action-Chômage de Saint-Hyacinthe, qui existe encore, et le Service d’aide et de consultation sur le travail. Puis, son intérêt se porte sur la formule coopérative qui répond aux besoins des citoyens sans les exploiter. Successivement, il s’implique dans la coop d’habitation, la coop alimentaire puis la coop funéraire qu’il fonde également avec d’autres.
Économie sociale et santé mentale
Côté économie sociale, il organise un comité de consommateurs qui deviendra par la suite l’Association coopérative d’économie familiale (ACEF) et met sur pied, encore avec d’autres, un magasin d’articles usagés, un OBNL, qui a eu pignon sur rue durant quelques années.
La santé mentale fait aussi partie de ses préoccupations. Il est l’un de ceux qui est à l’origine du groupe Élan Demain qui deviendra par la suite le Centre psychosocial Richelieu-Yamaska. Il a aussi travaillé à l’organisation d’un comité de défense des droits en santé mentale.
D’un caractère généralement posé, Fernand peut toutefois sortir de ses gonds lorsqu’il est témoin d’une bêtise ou d’une injustice. « Ça m’est arrivé d’engueuler un psychiatre qui se contentait de prescrire des pilules sans s’occuper vraiment des problèmes de son patient » admet-il.
« C’est de bon augure »
Que pense-t-il de l’évolution du mouvement communautaire en 2017?
Comme plusieurs, il a constaté la fonctionnarisation du système au fil du temps. On est loin des « groupes populaires » des années 80. Mais certains organismes conservent le même esprit : le service direct à la population dans le besoin, c’est la base, mais aussi la revendication politique d’une plus grande justice sociale.
« Ces dernières années, j’ai été en contact avec des jeunes qui ont ce même esprit, cette même volonté de changer les choses. C’est de bon augure » remarque-t-il.
Pour l’heure, le militant retraité retourne dans ses terres. Il aura davantage de temps à consacrer à sa conjointe, Diane Gingras, sa complice depuis 46 ans. À ses enfants aussi, Pascale, Mario et David, et surtout à ses cinq petit-enfants. « Bientôt six », précise le papy.
« Je me donne un an ou deux de répit. Après, il se peut que je m’engage à nouveau s’il le faut. Mais je choisirai mes causes » conclut Fernand Grégoire qui demeurera l’un des principaux artisans du mouvement communautaire maskoutain.