Jean-Marc Fournier, Le Montagnard, Saint-Tite-des Caps, juin 2017
« On ne vit jamais pour rien si l’on vit au-delà de la peur. »- James Redfield
– Nom de Dieu! Ne regarde pas dans la fenêtre pendant un orage électrique, de me dire ma mère.
La réalité, c’est que la foudre mettait ma mère dans un état d’angoisse extrême, alors que cette même foudre me livrait un spectacle enivrant. Cinquante ans plus tard, j’observe encore avec admiration les stries dans le ciel orageux; je compte les secondes qui séparent l’éclair du tonnerre pour évaluer la distance de la détonation. Et que dire de ces nuages en arrière-plan que la lumière de magnésium fait ressortir à répétition pendant de brefs moments, suivis de grondements roulés par l’écho pour prolonger notre plaisir…? Une scène féérique que les artificiers chevronnés ne parviennent pas à égaler.
Je revois ma mère s’empressant de masquer portes et fenêtres à l’approche d’un orage, le lampion allumé au pied de la statue du Sacré-Cœur, le goupillon aspergeant les murs d’eau de la bonne Sainte Anne lorsque le tonnerre épousait l’éclair, indiquant la proximité de la décharge électrique.
D’autres phénomènes naturels nous coupent souvent le souffle. Le vent qui arrache les toitures, mais qui actionne les éoliennes et permet à l’araignée de franchir les ruisseaux sur son fil ténu… Les inondations sèment des inquiétudes épouvantables lors de la crue des eaux printanière ou de déluges imprévisibles mais inspirent les beaucerons pour créer une loterie annuelle afin de subvenir aux besoins des mouvements communautaires… Les séismes qui ne durent qu’un moment mais dont on parle sa vie durant.
Bien sûr, certaines mesures de sécurité préventive nous sont connues. Mais la nature agit parfois avec une telle impulsion qu’elle nous laisse totalement désemparés. Néanmoins, la faible fréquence des cataclysmes et le nombre de victimes sévères relativement limité qui en résulte nous incitent à ne pas succomber à une panique perpétuelle. Les provocations, les menaces diverses, les mises en demeure, les mesures de répression cogitées par les humains, nos frères, sont plus constantes, plus pernicieuses. Pour le bien-être de la communauté, on recourt plus facilement à des sanctions coercitives qu’à une approche éducative de persuasion.
Dans les négociations de conditions de travail à la baisse, il n’est pas rare de confronter des menaces de fermeture à des propositions des employés en recherche de formule de rationalisation de l’entreprise. Les pénalités ont plus de poids que les campagnes de sensibilisation pour obliger les conducteurs à respecter les limites de vitesse permises, à porter la ceinture de sécurité, le casque protecteur… Faire peur est, semble-t-il, plus efficace que de faire appel à la sagesse, au sens des responsabilités des gens.
Si l’on croyait encore – même naïvement – à l’intelligence humaine, à l’aptitude de chacun d’user de ses propres moyens de défense avec nuance pour se protéger et protéger ses semblables… Si on avait foi en l’importance pour l’individu de miser sur ses propres forces pour profiter de la vie dans toute sa plénitude…!
Sans minimiser les possibilités d’accidents fortuits, attentifs aux mesures préventives de sécurité, si l’on parvenait à échapper ainsi à l’étreinte de la peur morbide créée par nos phobies et souvent par certains décideurs et libérer ceux-ci à la fois de l’angoisse qui, aussi, les emprisonne…!