Une journée chez les Légumes

Sylvie Flament, Ski-se-Dit, Val-David, juin 2017

— Maiiis, où suis-je?
Poireau, vous savez, le fou du jardin, la touffe aérienne s’agitant de droite et de gauche, les yeux exorbités, n’en revient pas. Il pense avoir déménagé. Ce n’est plus le potager qu’il a connu ces dernières années! Le potager collectif a effectivement été complètement réaménagé afin de bonifier l’espace et de pratiquer une agriculture biologique potagère plus diversifiée et plus rentabilisée que l’on nomme « la permaculture ».

— Ah ouais! et c’est quoi ça, la permaculture? Dans le jardin? Ça nous donne quoi, à nous, les Légumes? Va falloir travailler deux fois plus fort pour contenter homo potagicus?
Comme à son habitude, Poireau s’agite et s’époumone au milieu du potager, encore assez peu peuplé!

— Calme-toi, tu sais bien qu’il y a toujours une explication; dommage que Madame Courgette-je-sais-tout ne soit pas arrivée, t’aurais déjà la réponse! disent les jeunes Salades, qui s’expriment tranquillement de leur petite voix fluette.

— Donc il s’agit de faire avec la nature, et non pas contre elle. À partir de ce principe, Bill Mollison et David Holmgren ont créé le concept de « permaculture », ou agriculture permanente. Leurs recherches ont entre autres montré que la production est alors meilleure qu’en agriculture classique… Ça, c’était pour l’histoire, se remémore Roquette, voix off du potager qui aime aussi quand on l’appelle arugula.

En pratique, nous laissons faire la nature, limitant au maximum les interventions humaines. Il s’agit d’enrichir le sol plutôt que de l’épuiser. Ajout de compost, de fumure, de paille…, tous issus du potager ou de la cuisine collective, notre voisine, le tout en buttes. Le sol n’est jamais compacté. Nous valorisons aussi la diversité et la polyculture. La diversité réduit la vulnérabilité à une variété de menaces (insectes, chevreuils…) et tourne à son avantage la nature de l’environnement (insectes pollinisateurs, «aidejardinier»…). La polyculture introduit une variété de réponses aux menaces, et même une entraide entre végétaux (l’oignon éloigne la mouche de la carotte, par exemple). On plante serré pour une production accrue, avec un paillis sur le dessus des buttes. « […] répandre de la paille… C’est en relation avec tout, avec la fertilité, la germination, les mauvaises herbes, la protection contre les moineaux, l’irrigation. Concrètement et théoriquement, l’utilisation de la paille en agriculture est un point crucial » (Masanobu Fukuoka, agriculteur japonais « ancêtre » de la permaculture).

Autre principe important de la permaculture : avoir trois raisons pour planter, soit : les fleurs pour la beauté, leurs propriétés médicinales, comme nourriture; une haie comme brise-vent, pour son bois mort, sa capacité d’isolement… Ici se dresse le concept « je prends, je donne ». Je prends de l’énergie (fruits, etc.), comment la redonner? Ces principes sont élargis à la communauté humaine. Quel est mon besoin? Quel est le besoin de mon voisin?

— Conclusion, tu n’auras donc pas à travailler deux fois plus fort, au contraire, car nous allons tous nous entraider! sourient en chœur les Salades.

— Ouais, mais je vais être collé à Tomate et à Carotte, se plaint Poireau. Bien entouré par la timide et les cheveux longs, quoi!

Prochains ateliers du potager : cultiver les champignons avec Vincent Leblanc le 2 juin à 18 h, et construction de murs végétaux le 18 juin à 10 h (Facebook, coop du Soleil levant)