Marquer son territoire à coups d’art

Ariane Ouellet, L’Indice bohémien, Rouyn-Noranda, juin 2017

Karl Chevrier se passe maintenant de présentation. Ce prolifique et multidisciplinaire artiste de la communauté de Temiskaming First Nation, surtout connu comme sculpteur, prépare une toute nouvelle œuvre de grand format qui sera inaugurée au début du mois de juin 2017. Installée sur la rue Ontario à Notre-Dame-du-Nord, elle aura comme fonction de marquer le lieu, signifiant au passant qu’il est en territoire anishnabe.

L’idée initiale de mettre de l’art dans le paysage vient du constat que les seules identifications visuelles à l’entrée de la communauté étaient des pancartes désuètes. « Je me suis dit que ça serait bien d’avoir quelque chose qui dure et qui nous représente, symbolique de notre culture », explique l’artiste. Son souhait serait de mettre une œuvre à chaque porte d’entrée sur le territoire.

Pour la réalisation de cette nouvelle sculpture, l’artiste est à l’œuvre dans son atelier depuis le printemps 2016. C’est grâce à une bourse obtenue dans le cadre de Canada 150, avec l’aide de Tourisme Abitibi-Témiscamingue, que le projet peut voir le jour. Le thème choisi est un danseur traditionnel vêtu de son regalia. Pour les détails… il faudra attendre l’inauguration officielle qui arrive à grands pas!

 

Courir plusieurs lièvres à la fois… et les attraper!

« Travailler avec le métal, c’est très lourd. Je coupe donc mes journées de travail en différentes parties, explique Karl Chevrier. Le matin, je fais la soudure et la manipulation des gros morceaux. L’après-midi, je sculpte des panaches ou du bois. Le soir après le souper, je vais dans mon atelier de peinture. Comme ça, je peux avancer plusieurs choses en même temps. » Cet été, il participera à un projet collectif de création initié par le Centre d’amitié autochtone et le Centre d’exposition de Val-d’Or. Réunissant des artistes professionnels autochtones et allochtones, sous la direction de la commissaire Sonia Robertson, la démarche a comme objectif de créer un espace de rencontres et de réconciliation. Nouveauté pour Karl Chevrier, il y présentera pour la toute première fois une performance qui promet d’être forte en émotions.

 

Passeur culturel, allumeur d’étincelles

En plus de pratiquer le métier d’artiste de façon professionnelle, Karl Chevrier aime donner du temps auprès des jeunes de sa communauté pour les initier à l’art, aux travaux manuels et aux savoirs traditionnels. Il prend très à cœur son rôle de passeur culturel. Il enseigne à certains l’art de fabriquer le canot d’écorce, en commençant par la cueillette des matériaux en forêt. « Il faut savoir comment prendre les racines, l’écorce, mais il faut surtout apprendre à ne prélever que ce qui est nécessaire, pas plus. Il faut respecter la nature », raconte-t-il.

À son avis, il est nécessaire que les jeunes se voient offrir différentes opportunités, question de leur ouvrir des portes pour le futur : « Je crois que travailler de ses mains est aussi une bonne façon de guérir. Ça nous fait entrer en nous-même, prendre les bonnes décisions pour notre vie. »