Visages de Montbeillard : Michelle Laliberté Bourassa et Martial Bourassa

Raymond Bernatchez, Montbeillard en bref, Montbeillard, mai 2017

En Abitibi, Montbeillard et Rollet constituaient, dès 1933, deux paroisses voisines. Les premiers colons y sont arrivés quasi en même temps à quelques mois près. Une histoire d’amour s’y est nouée entre Martial Bourassa, né à Montbeillard en1949, et Michelle Laliberté, née à Rollet en 1950. Y respirant le même air, aimant les mêmes lieux et les mêmes paysages tous deux ont convenu de s’épouser en 1974.

On a beau naître et grandir dans ces conditions, on n’est pas jumeaux identiques pour autant. Le couple qui dure n’est pas celui qui évolue en deux copies conformes après un certain nombre d’années mais bien en complémentarité. Les talents et les intérêts de l’un qui diffèrent de ceux de l’autre, augmentent les possibilités plutôt que de les anémier. Suffit de les écouter parler et échanger pour en convenir. Martial fut, d’abord et avant tout, un travailleur minier durant une vingtaine d’années en alternant d’une entreprise à l’autre au Québec, en Ontario et jusqu’à la terre de Baffin. Puis un accident de travail est survenu ayant pour effet de passer à autres choses pour assurer la croissance de leurs filles Isabelle, 40 ans et Mélanie, 37 ans, l’une étant arpenteur minier et l’autre assumant des tâches d’entretien en Centre de petite enfance à Rouyn.

Il en est résulté que l’un s’est occupé des affaires extérieures et l’autre des affaires intérieures. Alors que les garderies n’existaient pas, les deux filles ont bénéficié de la présence de Michelle à la maison pendant que Martial s’activait dans les mines et les immensités forestières. C’est ensemble qu’ils ont rénové leur demeure, une ayant une prédilection pour l’aménagement intérieur et les travaux fins tandis que le gentil géant aux larges épaules faisait plutôt dans le gros œuvre. Le couple possédant une terre à bois de 82 acres nécessitant de la machinerie lourde et de l’équipement spécialisé, Martial, féru de mécanique, a pu assumer ces défis. D’autant que sa compagne était fortement douée pour la comptabilité qui, par ailleurs, ulcérait Martial. Observation faite, il passait des heures à patenter et inventer dans son atelier, Michelle préférant s’activer au jardin.

Autre singularité : la durée de vie de leurs parents respectifs. Ceux de Martial sont décédés dans la cinquantaine tandis que le père de Michelle a quitté ce monde à 84 ans, alors que sa mère, dotée d’une mémoire fabuleuse pour les années d’avant, vit encore à 101 ans au moment même où ces lignes sont écrites. Non seulement vit-elle toujours, mais le père de sa mère avait le même âge que cette centenaire, soit 101 ans, en trépassant. Michelle a effectué du bénévolat à la bibliothèque de Montbeillard des années durant. Elle lit aussi, bien sûr, mais pas autant que lui qui peine à trouver maintenant à Montbeillard et ailleurs des livres pour se rassasier. Rien d’autres? Oh que si, cet homme étonnant, curieux de tout, comme elle d’ailleurs, est un grand nostalgique des événements reliés à ses années de jeunesse. Comment les gens vivaient alors, les voitures dans lesquelles ils roulaient, les émissions de télés qu’ils regardaient, la musique qu’ils écoutaient dont le country, les photos et films d’époque.

Alors que sa dame n’accorde d’importance vraiment qu’à ce qui est récent ou à venir sous peu, ayant plus d’atomes crochus par exemple avec Léonard Cohen, poète compositeur, chanteur d’obédience bouddhiste, qu’avec les tounes de Ti-Blanc Richard.

Sachant tout cela, n’omettons surtout pas les forts attachements qu’ils ont en commun pour certaines choses. Leurs enfants bien sûr, puis pour les sentiers de leur immense forêt où ils marchent ensemble, pour la lenteur de la calme vie qu’ils écoulent côte à côte à Montbeillard, et pour un nouveau jouet qui vient de faire irruption dans leur existence : un o.r.d.i.n.a.t.e.u.r. Celui-là est aimé tout autant de l’un que de l’autre parce que chacun peut, sur une même machine, assouvir sa soif de connaissances distinctes. C’est possible encore dans la soixantaine avancée? Oui, si on dispose, comme eux, du savoir et de la contribution d’un proche, comme le frère de Michelle Laliberté-Bourassa qui leur facilite cet apprentissage.

On peut donc de nos jours vivre sagement dans un milieu naturel comme le leur tout en accédant à toutes les connaissances de la planète. Montbeillard est aujourd’hui aussi proche de Sydney en Australie que Montbeillard l’est de Rollet. Pour ceux qui sont nés il y a quelques années le concept de village correspond à celui d’un village global mondial comme il apparaît à demande sur l’écran de leur ordinateur maison.