Lena et Antonin de passage sur une des rues de Fermont lors de leur exploration « des Nords ».

Un ouvrage sur Fermont paraîtra bientôt

Éric Cyr, Le Trait d’union du Nord, Fermont, le 1er mai 2017

Un couple d’artistes universitaires vivant en Allemagne prépare un livre qui traite de Fermont et qui devrait être publié en 2018-2019. L’héliograveur et chercheur Antonin Pons Braley de France et la photographe chercheure Lena Gudd de Berlin se sont déplacés dans la région, sur plus d’un an cumulé durant les cinq dernières années, pour récolter images, enregistrements, témoignages et données dans le cadre de Tumuult, un laboratoire d’art et de recherche dédié « aux Nords » dirigé par ces derniers.

Selon Lena Gudd : « Il n’y avait pas de projet défini a priori. Nous avons d’abord entendu parler du mur-écran fermontois et avons décidé de nous rendre sur place. C’était en 2012. C’est Fermont qui nous a offert notre sujet de recherche. Ce sont ensuite nos séjours successifs qui ont naturellement fait de Fermont un des piliers de notre traversée nordique. » Le travail des chercheurs, qui se consacre aux régions subarctiques et arctiques, consiste à développer une archive des Nords, à la fois « celle d’un milieu et de l’idée de ce milieu. » Au carrefour des sciences sociales et de l’anthropogéographie, des arts et de l’artisanat d’art, la démarche vise à créer une sorte de relevé de ce qui se cache derrière le simple regard. Pour bien s’imprégner de la vie fermontoise, ils ont vécu dans le mur, dans les venelles ainsi qu’en forêt. C’est la première fois qu’une étude aussi longue et ciblée est produite sur Fermont. « Nous étudions l’interrelation de l’homme à son milieu. Il y a évidemment une réalité minière, monoindustrielle, confinée dans le Grand Nord, cependant ce n’est pas la mine elle-même que nous plaçons au centre des recherches, mais plutôt le jeu intime entre l’homme et les éléments, une forme d’interdépendance faite de visible et d’invisible. La mine constitue une présence, mais pas un sujet. L’architecture planifiée, la place de la femme dans la société, la monoindustrie, comment l’habitant vit-il le retranchement et comment s’approprie-t-il l’immensité, constituent quelques aspects de notre étude. » Selon ces derniers, bien que l’on retrouve des schémas similaires dans le monde, la spécificité de Fermont offre un cachet particulier.

 

Fermont, au sud du Nord

Le duo s’intéresse à l’entité nordique en tant que territoire magnétique, mais aussi à sa part mentale et géographique afin de brosser une idée Nord dans le prolongement de celle déjà abordée par le célèbre pianiste et compositeur Glenn Gould pour qui le Nord tenait lieu de métaphore à l’isolement.

Ce dernier parlait de son expérience en ces termes : « C’était une austère réflexion sur les répercussions de l’isolement sur l’homme…très rares sont les gens qui, étant rentrés en contact avec le Grand Nord, en émergent tout à fait indemnes. Quelque chose de bizarre se produit en effet chez la plupart de ceux qui se sont rendus dans le Nord. Ils prennent au moins conscience des occasions créatrices que le phénomène du contact physique avec la région suscite, et finissent par mesurer leur travail et leur existence en fonction de ces stupéfiantes possibilités créatrices : ils deviennent, au fond, des philosophes. »

Selon Antonin Pons Braley, l’idée Nord et notre perception des légendes qui s’y rattachent exerce une fascination intrinsèque à l’humanité depuis bien avant l’Antiquité. Au VIIIe siècle avant Jésus-Christ, ne retrouve-t-on pas les premières mentions de l’Hyperborée, territoire habité par ce peuple mythique, vivant « par-delà les souffles du froid de Borée (le vent du nord) ». « Bien au-delà du territoire, Fermont est bien plus grand que Fermont, le Nord est bien plus grand que le Nord, composé de paysages extérieurs et intérieurs. » Il évoque aussi le dramaturge Wajdi Mouawad qui a déjà ancré son processus de création à Fermont et s’en est inspiré pour une pièce de théâtre sans pourtant y avoir mis les pieds. Il dit avoir été attiré par la charge symbolique de ce mur dans lequel vivent les habitants de la ville. M. Pons Braley poursuit : « Fermont est à la croisée des Nords mental et géographique, mais également d’un Nord stratégique, celui des nouvelles routes, des nouveaux passages. C’est un bastion situé aux portes du Nord, un carrefour de la direction nord. Fermont, au nord du Sud à sa construction en 1974 est aujourd’hui au sud du Nord au lendemain de son quarantième anniversaire. » Selon ce dernier, on assiste actuellement à une mutation de cette société où beaucoup, arrivés pour quelques mois, sont en passe de rester pour une vie. « Alors qu’il n’y a plus de maternité et pas encore véritablement de cimetière à Fermont, il est fascinant d’observer dans ce contexte les facteurs à l’attachement, dicible et indicible, ce qui semble de plus en plus s’imposer au Fermontois comme une perspective d’implantation durable. Au Nord, ce ‘mont de fer’ est indéniablement magnétique, il polarise, induit, forge. »

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