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Travail invisible ou travail inestimable

Amina Chaffaï, Le Stéphanois, Saint-Étienne-des-Grès, mai 2017

J’adore le mois de mai. Le printemps y installe douceur et lumière et les mères que l’on fêtera dans quelques jours, l’enrobent de tendresse et d’amour. À ce propos, on devrait les célébrer chaque jour nos mères, alors prenons au moins le temps de leur consacrer un dimanche de joie, de bonheur et d’hommage bien mérité. Une belle pensée, pour celles qui nous ont quittés adoucira notre propre cœur. Bonne fête à toutes les mamans!

Récemment, captive d’un bouchon de circulation à Montréal, je n’avais d’autre loisir que la radio pour passer le temps. Une discussion concernant le travail invisible animait plusieurs intervenants. L’exemple des femmes au foyer était la principale définition et ces personnes bien intentionnées estimaient que cela valait un salaire de 92 000 $ par année, ce qui représente 94 heures par semaine. J’étais d’accord. Mais une des animatrices n’était pas d’accord et son point était que les personnes à la maison ne subissaient pas le stress d’un emploi à l’extérieur, d’un patron, de la circulation, de la gestion des absences et que la liberté conférée par la gestion complète de son agenda était un très gros bénéfice pour les personnes à la maison. J’étais d’accord. Elle a ajouté qu’elle-même, après sa journée de travail à l’extérieur, elle assumait en plus tout ce qui concerne la maison, les enfants, l’entretien, les courses et plus encore. J’étais d’accord.

Les animateurs ne s’entendaient pas sur qui était admissible à cette catégorie de travail invisible, mais ils étaient tous d’accord que cela méritait un salaire. L’embouteillage a duré assez longtemps pour me permettre de réfléchir moi aussi à la question. J’ai pensé aux aidants naturels ou les proches aidants, aux personnes monoparentales, hommes ou femmes, qui assument un emploi en plus d’assister des personnes en perte d’autonomie ou des jeunes enfants, aux infirmières qui doublent leur quart de travail pendant que leurs familles s’arrangent seules du mieux qu’elles peuvent, aux prêtres et religieuses, aux premiers répondants et secouristes, aux agriculteurs qui n’ont pas de répit car les saisons et les soins aux animaux les réclament en tout temps, je pourrais continuer sur plusieurs pages la liste de gens qui en font plus, toujours plus. Tous ces gens mériteraient des compensations, du moins une petite prime, si j’en reviens à la logique des animateurs de la radio.

Ma conclusion? Finalement, ne suis pas d’accord. Pas d’accord avec cette façon de penser, que tout doit être chiffré, que tout a un prix, que chaque geste doit être payé. Cela n’enlève pas sa valeur au travail, même qu’au contraire, il y a de ces services qui n’ont pas de prix. Je voudrais que l’on continue à assumer des tâches parce que c’est une responsabilité. Que les parents et grands-parents prennent soin des petits; que les grands enfants prennent soin de leurs vieux parents. Je souhaite que le corps médical fasse ce petit plus pour sauver des malades même sans que la cloche de la caisse des heures supplémentaires ne sonne dans leur cœur; qu’un grand-père construise une cabane pour ses petits-enfants, qu’une amie m’aide à faire mon ménage de printemps, qu’un bénévole prenne une marche avec une personne seule, qu’un parent, homme ou femme décide que sa priorité, c’est son foyer et ses enfants et que la carrière ce n’est pas pour lui ou elle. Tout cela sans que personne ne facture personne.

Un petit merci, un sourire et de temps en temps une bonne galette et un café partagés dans la bonne humeur en guise de salaire. Je sais que je ne ferais pas l’unanimité avec ma façon de voir. Et vous? Qu’en pensez-vous? Bonne discussion devant le barbecue avec vos proches.